Pas de polémique
En avril dernier, les arbitres de l’Euro avaient, en marge d’un stage à Enghien-les-Bains, longuement pris le temps de rencontrer les médias, pas toujours tendres avec eux. «Il vaut mieux éviter de lire la presse, souriait l’Allemand Felix Brych. Plus jeune, je suivais tout ce qui pouvait se dire sur mes matches mais cela n’apporte pas grand-chose.» Les hommes en noir sont condamnés à y trouver des commentaires désagréables: leurs bonnes performances sont passées sous silence, seules leurs erreurs font les gros titres. Depuis le début de l’Euro, aucune polémique d’importance à signaler. C’est donc que tout va bien.
Pas un hasard. Le processus qui conduit un arbitre à l’Euro est long et exigeant. Les sélectionneurs des 24 nations qualifiées ont jusqu’au 31 mai, dix jours avant le début du tournoi, pour choisir les joueurs qu’ils retiennent. Les arbitres, eux, sont au clair depuis plusieurs mois. «La sélection se fait à fin décembre, selon trois critères, expliquait Pierluigi Collina, ancienne star du sifflet désormais chef des arbitres européens. D’abord les performances, pas seulement récentes mais sur les dernières saisons. Ensuite l’expérience, tous les arbitres retenus officient en Ligue des champions. Enfin la flexibilité, se libérer le temps d’un Euro n’est pas possible pour tous. C’est pour ça qu’il y a deux teams anglais.» Chaque arbitre est accompagné de deux assistants et de deux assistants dits «supplémentaires», chargés de surveiller d’éventuelles fautes dans la surface de réparation.
«Concrètement, au bout d’une longue période de sélection, on reçoit un coup de téléphone de Pierluigi Collina», décrivait Felix Brych. Exactement comme un footballeur. Jusqu’au début de la compétition, la préparation est intense. «Nos arbitres sont en forme et il y a peu de choses à améliorer, notait Pierluigi Collina. Néanmoins, ils ont un programme précis à suivre. Ils doivent enregistrer des données et les mettre à disposition pour analyse. Grâce à cela, on les fait calibrer individuellement l’intensité de leurs entraînements par rapport à celle qu’ils connaissent en match. Nous les préparons vraiment à la compétition.»
Coaching tactique
Les hommes en noir suivent également des programmes personnalisés pour réduire les risques de blessure et doivent surveiller leur poids et leur taux de graisse. «Le but, c’est que les joueurs et les arbitres soient difficiles à distinguer les uns des autres», précisait l’Italien. Des sportifs comme les autres, jusque dans la préparation spécifique des rencontres. «Des entraîneurs diplômés renseignent les arbitres sur les équipes qu’ils vont diriger, leur tactique, leurs individualités. Le but est de leur donner une longueur d’avance. C’est très similaire aux analyses que mènent les sélections nationales.»
Comme les trois gardiens d’une même équipe, les arbitres sont à la fois concurrents et coéquipiers. Le 10 juillet au Stade de France, il n’y en aura qu’un sur le terrain, mais des performances de tous dépend l’impression qui restera du niveau d’arbitrage lors du tournoi. «Entre nous, il règne un vrai esprit de groupe, témoignait Clément Turpin. On sent la volonté que l’arbitrage sorte grandi du tournoi.» Chacun arrive avec son propre bagage. Avant son premier grand tournoi, le Français prêtait une oreille attentive aux conseils d’un Nicola Rizzoli, qui a officié lors de la finale du Mondial 2014. «Il y a beaucoup de partage, confirmait Felix Brych. La première grande compétition, c’est un moment très difficile. L’expérience qu’on y acquiert change tout.»
A 40 ans, l’Allemand est un habitué des rendez-vous majeurs depuis l’Euro 2012. La pression, il connaît, et apprécie. «En tant que sportif d’élite, c’est obligatoire.» Il est toujours en lice en France: il dirigera le quart de finale entre la Pologne et le Portugal, jeudi à Marseille (21 heures). Les ambitions de Clément Turpin, comme celles de cinq de ses collègues, ont par contre été anéanties dès la fin du premier tour après deux petits matches (Autriche-Hongrie et Irlande du Nord-Allemagne). «J’espère que la France ira au bout, nous confiait-il en souriant en avril. Que ce soit grâce à ses footballeurs, ou à son arbitre.» Il faudra compter sur les Bleus pour frayer jusqu’en finale. Le jeune arbitre, lui, devra continuer de faire ses preuves pour recevoir un coup de fil avant le Mondial 2018.