We Are the Champions résonne dans le stade d’Olembé, un quartier de Yaoundé, la capitale du Cameroun, au moment où le ministre des Sports pénètre dans l’enceinte emblématique de la prochaine Coupe d’Afrique des nations de football (CAN), entouré d’une nuée de journalistes.

Cinq mois avant le début de la compétition, le gouvernement s’active pour montrer que le pays des Lions indomptables sera fin prêt pour la compétition qui aura lieu en janvier 2022, trois ans après la date initialement prévue.

Le 21 septembre 2014, à Addis Abeba, en Ethiopie, le Cameroun est désigné pays hôte de la CAN 2019. Une fierté pour le pays de Roger Milla et Samuel Eto’o, deuxième nation la plus titrée d’Afrique avec cinq trophées, derrière l’Egypte (sept). Mais les travaux prennent du retard et la situation sécuritaire se dégrade, avec des attaques des djihadistes de Boko Haram dans le nord du pays et un conflit entre l’armée et des séparatistes dans les deux régions anglophones du pays.

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Le stade, c’est tout

Entre-temps, la Confédération africaine de football (CAF) annonce passer la compétition de 16 à 24 équipes. Le gouvernement de l’inamovible Paul Biya, 88 ans aujourd’hui, dont plus de 38 au pouvoir, dit relever le défi et poursuit ses investissements colossaux. Mais en janvier 2019, la CAF juge que Cameroun n’est pas prêt. L’Egypte le remplace au pied levé – «une honte nationale» selon le politologue Stéphane Akoa – et il se voit accorder l’édition 2021. Qui sera, elle, reportée en raison de la pandémie, avant d’être programmée du 9 janvier au 6 février 2022.

Le Cameroun sera-t-il prêt? s’interrogent régulièrement médias et analystes, comme un mauvais feuilleton qui apporte chaque saison son lot de rebondissements.

Depuis le début de l’année, c’est le complexe sportif d’Olembé, plus grand stade de la compétition, antre de la sélection camerounaise, qui alimente les rumeurs sur son financement et son état d’avancement. Les plans initiaux prévoyaient une piscine, un gymnase, des courts de tennis, mais seul le stade semble être en mesure d’être terminé.

Autres projets encore en cours: le parc hôtelier à Garoua (Nord) et Bafoussam (Ouest) et certaines infrastructures routières à Douala, la capitale économique du pays.

Une opportunité?

A l’heure du tirage au sort des groupes, ce mardi, le gouvernement souhaite rassurer. «Le Cameroun est prêt pour l’accueil de la CAN», assure à l’AFP Mouele Kombi, ajoutant que l’organisation du tournoi est «un acquis irréversible». Patrice Motsepe, président de la CAF, promet lui que «la prochaine CAN se tiendra bel et bien au Cameroun».

«Elle se fera. Il n’y a plus de craintes à avoir. Mais à quel prix?» demande Dimitri Mebenga, le chef du service des sports du quotidien Mutations, plutôt critique à l’égard du régime camerounais. «Ce tournoi aura été un gouffre financier pour le pays et aura fait saigner le contribuable, le tout dans une grande opacité», dénonce-t-il.

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Geremi Sorele Fotso Njitap, dit Geremi, ancienne star des Lions indomptables et président du syndicat national des footballeurs camerounais, se réjouit de son côté d’une «formidable opportunité». «Pour que le football africain retrouve un haut niveau, il faut développer les championnats locaux. Il faut du spectacle, il faut que les joueurs soient bien payés, et cela commence par le développement des infrastructures», déclare-t-il à l’AFP. A Olembé, le stade de 60 000 places assises, avec sa salle de presse flambant neuve et sa pelouse déjà verdoyante, semble en tout cas prêt pour accueillir le match d’ouverture…