C’est l’été, on s’épie le maillot
Football
Covid-19 oblige, la sortie des maillots de la prochaine saison se concentre sur une quinzaine de jours. Un grand défilé, très attendu, qui révèle l’importance prise par ce business annexe

C’est un drôle d’été pour les supporters de football. Il y a encore des matchs de championnat (sauf en France), mais ils ne peuvent pas y assister (sauf en… France). Comme la saison a été prolongée de deux mois, le marché des transferts qui habituellement remplit les pages et le creux de juillet est sur pause. Le sport-business ayant horreur du vide, un épisode auparavant secondaire occupe tout l’espace et les réseaux sociaux: la présentation des nouveaux maillots.
Depuis quinze jours, ça n’arrête pas: Ajax, Servette, Arsenal, Paris Saint-Germain, Saint-Etienne, Monaco, Newcastle, Leeds, Inter, AS Rome, Manchester City, Villareal, Feyenoord, PSV, Porto et bien d’autres ont présenté à leur communauté le ou les maillots qui seront portés lors de la prochaine saison. Pour l’œil profane, la différence avec le précédent est parfois infime mais souvent inversement proportionnelle à la vague de commentaires qu’elle suscite.
Le phénomène n’est pas récent. Il est particulièrement prononcé cette année car tout sort en même temps, comme les collections de haute couture lors des fashion weeks. «Normalement, cela s’étale entre avril et août, mais en raison du confinement, aucune marque n’a voulu présenter ses nouveaux modèles avant la mi-juin, explique Thomas Prouteau, responsable éditorial du site Footpack.fr, spécialisé dans l’industrie de l’équipement de football. Ce moment marque le vrai début de la saison. Mi-août, ce sera le tour du troisième maillot – celui sur lequel on est le plus créatif, celui aussi où l’on peut tester des nouveautés – puis des maillots des équipes nationales à la fin du mois.»
Trois ou quatre maillots par an
On peut s’étonner que la culture supporters, qui valorise tant l’attachement et la fidélité, soit aussi perméable à cette frénésie d’achat, surtout pour des maillots vendus de plus en plus chers. C’est oublier qu’un fan n’a plus beaucoup d’occasions de montrer son attachement à ses couleurs. Les clubs l’ont bien compris et multiplient cette offre devenue au fil du temps une part importante des recettes. «Le football a vraiment basculé dans une autre dimension au début du XXIe siècle, estime Thomas Prouteau. Avant, les clubs ne changeaient pas forcément chaque année, certains maillots «extérieurs» n’étaient pas commercialisés. Aujourd’hui, chaque club sort trois nouveaux maillots par saison, souvent un quatrième – une sorte de hors-série pour une occasion unique – et parfois même les tenues d’entraînement.»
Les marques jonglent le plus habilement possible entre tradition et modernité, entre le lifestyle qui élargit l’audience et le vintage qui rassure la base. Cette année, pas de révolution comme le maillot à damier du Barça ou l’abandon des rayures de la Juve. Le succès de l’été pourrait être le maillot Hechter du PSG, du nom de la tenue originelle du club dessinée par son premier président, le couturier Daniel Hechter, que Nike remet au goût du jour après avoir tout fait ces dernières années pour s’en distancer. De même, l’AS Monaco reproduit la «diagonale originale» dessinée en 1960 par Grace Kelly.
Maillot trop simple
La réprobation des supporters de Lyon devant un maillot trop simple à leurs yeux témoigne de la disgrâce du template, ce modèle unique fourgué par les équipementiers avec l’écusson et la pub comme seuls signes distinctifs. «Lors de la saison 2018-2019, une même base Adidas a servi à 53 clubs, précise Thomas Prouteau. Nike a renoncé aux templates, alors que Puma se singularise avec des sous-impressions évoquant les particularismes de chaque ville.»
Le nouveau maillot du PSG avait «fuité» cet hiver sur les réseaux sociaux, créant une forte attente et un marketing viral gratuit. Des sites spécialisés se consacrent à devancer les campagnes officielles. Si ces leaks sont rarement orchestrées par les marques, elles peuvent leur permettre «de prendre la température, et corriger le tir au besoin», conclut Thomas Prouteau.
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