C’est fait! Yverdon Sport retrouve la Super League de football
Exploit
Le club nord-vaudois a validé la quatrième promotion dans l’élite de son histoire mardi au Stade Municipal en faisant match nul avec Aarau (1-1). Sacrée épopée pour une équipe qui évoluait encore en quatrième division au printemps 2017. Le Lausanne-Sport est pratiquement sûr de monter lui aussi

C’est le genre de point qui en vaut trois, le genre de match nul qui a tout de la victoire. Yverdon Sport n’a pu faire mieux que 1-1 contre Aarau mardi au Stade Municipal mais cela suffit pour assurer la promotion en Super League et peut-être même le titre de champion de Challenge League. L’équipe surprise de la saison aura tenu jusqu’au bout, en dépit de la pression qui avait fini par s’accumuler sur elle à mesure que l'épilogue approchait et que le public se densifiait. 4500 spectateurs pour le dernier match à domicile, record battu, et la nuit s’annonçait longue dans le Nord vaudois.
Un peu plus au sud du canton, le Lausanne-Sport a de son côté pratiquement assuré son retour dans l’élite. Sa victoire contre Wil (2-0) lui permet de compter trois points d’avance et une différence de buts favorable (+15 contre +11) par rapport à Stade-Lausanne-Ouchy, troisième et actuellement en position de barragiste. Que de regrets pour l'«autre» club de la capitale olympique, qui menait encore 2-1 contre Vaduz à quelques minutes du terme mais a encaissé l’égalisation. Pour assurer un triplé vaudois inédit en Challenge League, il s’agira pour lui de ne pas se laisser surprendre samedi contre Bellinzone.
Le déplacement d’Yverdon Sport à Wil, pendant ce temps, sera beaucoup plus serein. Le club se hisse dans l’élite du football suisse pour la quatrième fois de son histoire. Dans les bistrots de la cité thermale, on se raconte encore la première montée comme on dirait une légende. Ce samedi soir de juin 1993 à Schaffhouse, le triplé de l’attaquant Bekim Uka, la victoire 1-4 avec Alexandre Comisetti sur le terrain, Bernard Challandes sur le banc et le président François Candaux aux manettes. Une saison plus tard, l’équipe reprend malheureusement directement l’ascenseur vers le bas.
Les deux promotions suivantes surviennent sous la présidence de Paul-André Cornu, quand YS devient indissociable des «flûtes de Champagne», les biscuits salés donc, rapport à l’entreprise qui finance en grande partie le club. En 1999, le coach est un certain Lucien Favre, le public s’identifie aux gars du coin qu’il aligne aux côtés des «stars» Leandro et Jean-Michel Tchouga. Cette fois, l’équipe tiendra deux ans dans l’élite. Elle remonte ensuite en 2005 sous la houlette de l’entraîneur d’origine roumaine Radu Nunweiler.
Les prémices de la Coupe de Suisse
Depuis ces heures de gloire, Yverdon Sport a encore connu quelques belles saisons en Challenge League avant de tomber très bas. Dans la foulée du retrait de Paul-André Cornu et de son entreprise familiale, le club plonge en 1re ligue, qui est alors la troisième division mais devient la quatrième à l’apparition d’une nouvelle catégorie nationale, la Promotion League. Pendant des années, on ne dispute plus au Stade Municipal de derbies cantonaux contre le Lausanne-Sport, mais nord-vaudois contre le FC Bavois. Et on ne les gagne pas toujours. Difficile alors d’imaginer que les vert et blanc, que les plus anciens surnomment «les poireaux», pousseront un jour jusqu’au sommet de la hiérarchie.
Mario Di Pietrantonio devient président en février 2014 pour sauver le club de la menace de faillite, pas davantage, mais il se prend petit à petit au jeu. L’organisation se professionnalise. A tous les postes, les responsabilités sont assumées par des personnes de plus en plus expérimentées. Une dynamique de succès s’enclenche. Montée en Promotion League en 2017, troisième place en 2018, deuxième place en 2019, première en 2020 lorsque le championnat est interrompu en raison de la pandémie. Le retour en Challenge League, premier palier du football 100% professionnel, attendra une année – pas une de plus.
De là, il n’aura donc fallu que deux saisons pour monter en Super League. La première, conclue au huitième rang, a permis au club de se rôder, non sans se faire remarquer. YS atteint notamment les demi-finales de la Coupe de Suisse. La venue de Saint-Gall dans un Stade Municipal qui a fait peau neuve en 2021 remémore au public nord-vaudois de bons souvenirs… Prémices aux scènes de liesse observées ces dernières semaines, depuis que la perspective d’une promotion se précise. Il n’y a «que» 1400 spectateurs de moyenne dans l’enceinte située près du lac, mais les bonnes affluences enregistrées contre le Lausanne-Sport (4500 personnes) et Thoune (2500) laissent imaginer qu’un certain public est prêt à revenir au stade.
Au-delà des attentes
Côté sportif, Mario Di Pietrantonio et le directeur général Marco Degennaro – débauché au FC Sion en 2022 – ont construit une équipe avec des joueurs souvent qualifiés de «revanchards», à l’instar du capitaine Anthony Sautier, arrivé en janvier 2022 de Servette, qui ne lui reconnaissait plus d’avenir. Quelque part, les intéressés ont sans doute intériorisé l’idée d’un destin commun. En mode: vous allez voir ce que vous allez voir. Ces dernières semaines, plusieurs remontadas improbables attestent en tout cas d’un caractère collectif certain.
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Dans l’effectif, un joueur sort du lot parce qu’il ne ressemble à aucun autre: l’attaquant français Brian Beyer, 26 ans, 12 buts et 4 assists et 35 matchs toutes compétitions confondues cette saison. Il tranche par son style décomplexé et son engagement de tous les instants, mais aussi par son parcours atypique loin des centres de formation. Encore amateur et employé comme livreur il y a quelques années, il ne s’attendait pas à participer un jour à l’épopée vers l’élite d’une équipe de football professionnel.
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Lors d’un entretien accordé la semaine dernière au Temps, le président Mario Di Pietrantonio soutenait qu’Yverdon Sport marchait fort précisément parce que l’équipe évoluait déjà au-delà de toutes les attentes. Sans pression donc, quand un Lausanne-Sport doit par exemple absolument monter pour justifier les moyens mis à sa disposition par Ineos. Reste à savoir si cela pourra fonctionner en Super League, avec un budget qu’il faudra renforcer, un stade qu’il faudra encore adapter et une équipe qu’il faudra nécessairement remodeler, tout cela, peut-être, vraisemblablement, sous la houlette d’un nouveau propriétaire… «L’équipe ne monte pas pour redescendre immédiatement», promet le président, qui serait sur le point de passer la main.
Musique d’avenir que tout cela, il reste cette saison un match à jouer et une promotion à savourer. Une fête est prévue mercredi à 16h30 sur la place Pestalozzi, au cœur de la cité thermale. La commune l’a annoncée mardi après-midi, avant l’épilogue de la saison, sans crainte de porter la poisse à ses représentants à crampons.