L’annonce faite mardi soir par les joueurs de la Seleçao représente un énième rebondissement: ils se sont déclarés «contre» le maintien du tournoi, même s’ils n’ont pas prévu de le boycotter. «Nous sommes contre l’organisation de la Copa América, mais nous ne dirons jamais non à la sélection brésilienne», ont-ils publié sur les réseaux sociaux à l’issue du match de qualifications pour le Mondial-2022 contre le Paraguay. Et d’ajouter: «Pour diverses raisons, qu’elles soient humanitaires ou professionnelles, nous sommes insatisfaits de la façon dont la Conmebol a géré la Copa América.»
Lire aussi: Au Brésil, maudite Copa América
Un élément qui sème à nouveau le doute sur ce tournoi hautement controversé qui devait se jouer initialement il y a un an, en Argentine et en Colombie, avant d’être reporté à cause de la pandémie de Covid-19. Les 11 juges vont donc statuer en urgence en raison du caractère «exceptionnel» des recours présentés par un syndicat et un parti de gauche. Ce jugement sera virtuel et sans débat entre les juges qui enverront leur vote écrit tour à tour entre minuit à 23h59.
Mais même si les recours n’aboutissent pas, d’autres menaces pèsent sur la Copa. Le maire de Rio de Janeiro a notamment déclaré qu’il pourrait faire annuler les matchs prévus dans sa ville si la situation sanitaire s’aggravait. Il y a huit jours, la Confédération sud-américaine de football, Conmebol, avait annoncé à la surprise générale que le Brésil allait accueillir l’évènement après les désistements de l’Argentine et de la Colombie, des pays très affectés par la crise sanitaire et la Colombie étant également touchée par des troubles sociaux.
Le président d’extrême droite Jair Bolsonaro a aussitôt accepté la requête de la Conmebol, déclenchant une avalanche de critiques, dans un pays où plus de 475 000 personnes sont mortes du Covid-19, et que la menace d’une troisième vague se profile ces prochaines semaines.
La fuite des marques
Les principaux sponsors ont également marqué leur mécontentement face au maintien de cet événement. Mastercard a annoncé mercredi 9 juin retirer son logo de la compétition, une première depuis qu’il la parraine, soit 1992. L’entreprise américaine honorera toutefois son contrat de sponsoring, dont le montant n’a pas été divulgué. Le brasseur brésilien Ambev, qui fait partie du géant mondial AB Invev, s’est fendu d’une déclaration similaire. «Nos marques ne seront pas présentes à la Copa América», mais «la société poursuit […] son soutien au football brésilien», a-t-il fait savoir.
Le choix du Brésil a également été fortement critiqué par les épidémiologistes, la situation sanitaire dans ce pays restant préoccupante. La Copa América y dépasse dès lors largement le cadre du football, entrant de plain-pied sur le terrain de la politique. Jair Bolsonaro n’a cessé de défendre le tournoi, arguant que le pays allait observer les mêmes protocoles sanitaires que pour les matchs de la Copa Libertadores, l’équivalent sud-américain de la Ligue des Champions, avec des rencontres à huis clos.
Lire également: Dans le football professionnel, une trêve internationale à deux vitesses
Dès l’apparition de rumeurs de fronde au sein de l’équipe nationale, le sélectionneur brésilien Tite a commencé à être traité de «gauchiste» par des partisans du président d’extrême droite sur les réseaux sociaux. Le sénateur Flavio Bolsonaro, fils aîné du chef de l’Etat, avait demandé aux joueurs de «ne pas se laisser manipuler.» Un autre sénateur, Renan Calheiros, farouche opposant du président Bolsonaro, avait au contraire demandé à Neymar, la plus grande star de la Seleçao, de boycotter ce «championnat de la mort.» Pourtant, «à aucun moment nous n’avons voulu que cette discussion prenne une dimension politique», ont assuré les joueurs dans leur manifeste.