Vladimir Petkovic l’avait répété une nouvelle fois avant le match: le Portugal est une excellente équipe, à considérer autrement que comme une simple rampe de lancement pour la fusée Cristiano Ronaldo. Sur le principe, le sélectionneur de l’équipe de Suisse n’avait pas tort. Mais sur le terrain, c’est bien le quintuple Ballon d'or qui a vaincu. «Bien sûr que c’est lui qui a forcé la décision», a confirmé son entraîneur Fernando Santos après la rencontre. Il appartient à la classe des génies. «Il y a des génies en peinture, en sculpture, lui c’est un génie du football, voilà tout.»

C’est aussi le sentiment qui animait les joueurs à leur sortie des vestiaires. Portugal-Suisse? Il y avait match, entre deux belles équipes solides et bien organisées. Mais Cristiano Ronaldo a rompu l’équilibre en trois buts qui propulsent sa Selecção en finale de l’édition inaugurale de la Ligue des nations.

La Nati ne gagnera donc pas le premier titre de son histoire au Portugal. Elle se consolera péniblement avec un match amical de luxe dimanche après-midi à Guimaraes contre le perdant de la deuxième demi-finale, qui opposera l’Angleterre aux Pays-Bas ce jeudi.

Avant le match: La Suisse à 180 minutes d’un premier titre

Une belle première mi-temps

On peut sans faire preuve d’angélisme affirmer qu’il aurait pu en être autrement. En octobre 2017, lors d’un match décisif contre ce même Portugal pour une qualification directe à la Coupe du monde en Russie, l’équipe de Suisse avait été dévorée par la pression, la ferveur de l’Estadio da Luz de Lisbonne et la grinta de son adversaire. Mercredi, à l’Estadio do Dragão de Porto, c’était un tout autre scénario. Elle a joué précisément comme son entraîneur le souhaite: en faisant circuler le ballon, en multipliant les mouvements, en créant des espaces, en se projetant vers l’avant.

«Je félicite le Portugal, a réagi le sélectionneur suisse en conférence de presse. Mais je trouve aussi que nous avons montré que nous étions une bonne équipe. Il nous a surtout manqué un peu de réalisme.» Lors d’une première mi-temps d’excellente facture, ses hommes ont possédé le ballon 56% du temps, se sont ménagé plusieurs situations bouillantes devant la cage de Rui Patricio et ont même tiré sur sa barre transversale (43e, Seferovic). Ils ont maîtrisé leur sujet comme rarement – si ce n’est peut-être lors des 45 minutes initiales contre le Danemark, en mars dernier à Bâle.

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Cela ne les a pas empêchés d’atteindre la pause avec un passif d’un but. Ainsi en avait décidé Cristiano Ronaldo à la 24e minute. L’attaquant de 34 ans avait poussé Kevin Mbabu à la faute en une accélération, puis trompé Yann Sommer sur le coup franc qui a suivi. Souvent irréprochable, le gardien a pour le coup commis une grave erreur d’appréciation en anticipant une frappe par-dessus le mur et en laissant le ballon entrer sur son côté.

Sursis grâce à la vidéo

L’équipe de Suisse a pu revenir dans le match en seconde période grâce au recours à l’assistance vidéo à l’arbitrage, au bout d’une séquence confuse. Acte I: Steven Zuber et Nelson Semedo s’écroulent dans la surface de réparation portugaise, les Suisses réclament une faute mais l’arbitre Felix Brych laisse jouer. Acte II: en rupture, Bernardo Silva se fait tacler par Fabian Schär dans la surface de réparation suisse et Felix Brych siffle penalty. Acte III: l’arbitre allemand décide d’aller consulter les images et, après de longues minutes, il revient sur sa décision et accorde un penalty à l’équipe de Suisse. Le stade cède à un vacarme assourdissant mais le latéral suisse Ricardo Rodriguez garde son sang-froid et égalise.

Dès lors, le match a baissé d’un ton. Il y a bien eu encore quelques alertes sur le flanc droit de l’attaque suisse, où Kevin Mbabu s’est comme à son habitude démené pour offrir de nombreux centres, mais les deux équipes ne semblaient pas trop rechigner à l’idée de jouer trente minutes supplémentaires en prolongations.

Cruelles dernières minutes

Cristiano Ronaldo a préféré en finir. Après avoir déjà ouvert la marque, il a transformé un bon centre tendu de Bernardo Silva (88e), avant d’éteindre les derniers espoirs helvétiques deux minutes plus tard sur une action personnelle conclue d’une magnifique frappe enroulée. Absent neuf mois de l’équipe nationale cette saison pour se consacrer à son nouveau club, la Juventus, le capitaine de la Selecção a montré en trois actions qu’il avait encore les ressources pour changer l’issue de n’importe quel match, même contre une équipe qui jusqu’ici n’avait commis pratiquement aucune erreur.

Cet épilogue ravive toutefois la problématique de la gestion des fins de rencontre. En mars contre le Danemark, la Suisse était apparue à un niveau de maîtrise impressionnant pendant une bonne partie de la rencontre avant de laisser le score revenir de 3-0 à 3-3 en dix minutes. Mercredi soir contre le Portugal, elle a encore cédé dans les derniers instants. «Les situations sont différentes et je ne peux pas dire que cela m’inquiète, a lancé Vladimir Petkovic. Il y a bien sûr des aspects psychologiques, mais c’était aussi un moment où nous essayions de marquer un deuxième but et où nous nous sommes retrouvés en infériorité numérique derrière. Le meilleur joueur en a profité.» Et le Portugal a profité du meilleur joueur.