Le Temps: En quoi cette approche vous semble-t-elle pertinente?
Kris van der Haegen: Enfin on accorde de l’importance aux émotions! Si l’on observe le monde du football, on constate que la plupart des tensions et des problèmes sont liés à une mauvaise gestion des émotions. D’où l’intérêt de travailler dessus. Et ce qui est vraiment fantastique, c’est que c’est utile pour toutes les parties prenantes: joueurs, entraîneurs, dirigeants, parents… Cela va bien au-delà du fair-play; travailler sur la maîtrise des émotions, c’est ajouter une cinquième compétence. Pendant des années, nous ne nous sommes focalisés que sur les quatre autres: la technique, le physique, la tactique, le mental.
– L’attitude influe-t-elle sur la performance?
– Je ne peux pas démontrer que cela a un lien direct, mais j’en suis convaincu à 100%. Il y a des recherches qui établissent que l’on est plus performant lorsque l’on est bien dans sa peau. On a trop créé un contexte de stress autour des jeunes. Les enfants ont l’air paralysés par les entraîneurs et les parents. Il faut au contraire développer un climat propice à l’apprentissage.
– D’où vient cette prise de conscience?
– D’une option prise il y a 15 ans chez nous: c’est l’enfant qui doit être au cœur du projet, pas le coach. Longtemps, l’entraîneur s’est cru au centre, et c’était aux joueurs de suivre. Mais la société a changé et l’on doit suivre cette évolution. Si le coach a en face de lui 16 individus différents, à lui de trouver un chemin pour impliquer tout le monde. Nous essayons de faire progresser chaque individu pour améliorer le collectif, parce que, si l’on se focalise sur l’individu, celui-ci va devenir acteur de son propre développement. Il progressera davantage et plus en interconnexion avec ses coéquipiers. Le football est un sport très complexe où, à chaque seconde, les joueurs prennent des décisions individuelles basées sur leur perception de l’équipe.
– La Belgique est longtemps passée à côté des joueurs issus de son immigration. C’est pour ces jeunes de grand talent mais parfois difficiles à gérer que vous avez modifié votre approche?
– Il n’y a pas de jeunes difficiles. Il y a parfois un contexte difficile. Mais si vous montrez que vous respectez le joueur, que vous êtes intéressé par lui, que vous cherchez à le comprendre et à le faire progresser, il va se créer une connexion, par laquelle l’apprentissage pourra se faire. C’est à l’entraîneur de le comprendre et de le permettre.