Dans la page qui lui est consacrée sur le site de l’Association cantonale fribourgeoise de football, onglet «Responsables du club», le club numéro 5036 de l’ASF a un soigneur, un masseur, un adjoint aux finances et un administrateur délégué mais pas de président. Comme bien d’autres petits clubs du pays, il survit grâce au dévouement d’une poignée de bénévoles qui cumulent les fonctions.

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Le matricule 5036 de l’ASF n’est pourtant pas un club comme les autres: il s’agit du FC Fribourg, fondé en 1900, une cinquantaine de saisons dans l’élite du pays et une finale de Coupe de Suisse, perdue en 1954 contre le FC La Chaux-de-Fonds. Aujourd’hui, le club emblématique de la troisième plus grande ville romande se débat en deuxième ligue interrégionale, le cinquième échelon national, où il est descendu cet été. Il pourrait tomber encore plus bas puisque, dans le groupe 2, les «Pingouins» (leur surnom usuel) sont actuellement treizièmes sur quatorze. Un destin singulier qui résume une anomalie tenace: terre de football, matrice de nombreux joueurs de talent, le canton de Fribourg n’existe plus au niveau professionnel.

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Une image différente

Le FC Fribourg était menacé de ne plus exister du tout, à une saison de son 120e anniversaire. Et puis, samedi 19 octobre, l’assemblée générale a élu un nouveau président. Plus précisément, une présidente, Magdalena Lauper, nous a appris La Liberté. Une première dans l’histoire du club. Elle s’entoure d’un comité 100% féminin (Ewa Pogrzebska, Monika Barras, Carla Cloutier, Swann Marchand et Talia Zalts), ce qui est sans doute inédit au niveau suisse. A la tête d’une société spécialisée dans l’événementiel, Magdalena Lauper (34 ans) assume cette petite révolution. «Cela s’est fait naturellement, explique-t-elle. Ces femmes sont des collaboratrices avec lesquelles je travaille et en qui j’ai toute confiance. Nous ne sommes pas fermées aux hommes, mais je pense que nous pouvons apporter quelque chose de différent. Et puis, cela contribue à donner une nouvelle image du club.»

Le FC Fribourg a quitté définitivement l’élite en 1973, la LNB bien avant qu’elle ne s’appelle Challenge League et la première ligue l’an dernier. D’ordinaire, ce genre de dégringolade attire les agents véreux ou les vieilles gloires sentimentales. Le profil de Magdalena Lauper, jeune, sans expérience, non issue du sérail, étonne au-delà de son genre. «Lorsque l’on m’a proposé de reprendre le club, j’ai réfléchi, je me suis renseignée, et puis je me suis lancée. Je ne viens pas comme une «repreneuse». Ce qui me motive, c’est le challenge: j’ai envie de réussir quelque chose et de marquer l’histoire du club, qui est émotionnellement très fort et possède toujours un grand potentiel.» Pour l’exploiter, elle souhaite dupliquer la méthode qui lui a permis de réussir professionnellement: mettre en place une structure, nommer les bonnes personnes aux bonnes places. «Je ne vais pas prendre la place de l’entraîneur. Pour le reste, le fonctionnement d’un club ne me fait pas peur. Il faut un leader mais aussi une équipe.»

Aucune équipe féminine

Le monde du football n’est pas qualifié de «milieu» par hasard et ces ligues intermédiaires – pas complètement amateurs mais n’ayant pas les moyens de ses ambitions – ne sont pas les moins troubles. Les grandes villes côtoient les équipes de village, les gros budgets jouent le dimanche contre des «sans-le-sou». Il y a ceux qui payent les joueurs, ceux qui les défraient seulement, ceux qui disent qu’ils ne payent pas… Il y a ceux qui n’ont pas les moyens de payer et ceux qui n’ont plus les moyens, et voient leur effectif fondre à l’intersaison. «Je sais tout cela», assure-t-elle.

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Bien qu’ayant été la seule candidate, Magdalena Lauper, qui se décrit comme «déterminée et enthousiaste», n’a pas eu qu’à se présenter à l’assemblée générale pour récupérer la présidence. «J’ai présenté ma vision et mon projet dans un exposé qui a duré une quinzaine de minutes, entourée de mon équipe. J’ai essayé de convaincre et je pense y être parvenue.» Si les grands axes de son programme sont connus – «structurer le club, dynamiser le marketing, améliorer les performances» – la méthode est encore floue. «J’ai des idées, mais il est encore un peu tôt, je viens d’arriver», explique la présidente. On lui signale que le club compte huit équipes, mais aucune féminine. «Cela fait partie de mes objectifs à moyen terme», assure-t-elle.