D’un côté, la planète foot et ses architectes. De l’autre, le club fermé des 187 500 personnes les plus riches au monde. Entre les deux, une prolifération de juteux contrats. C’est en résumé l’une des conclusions du Wealth Report 2016, une enquête détaillée sur les comportements des individus dotés d’une fortune nette disponible supérieure à 30 millions de dollars, présentée cette semaine en Suisse romande.

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«La valeur de Manchester United, coté à Wall Street, a bondi de près de 20% l’an passé, alors que l’indice S&P500 a stagné. Les bourses sont en train de livrer un message très clair aux investisseurs privés», résume Tom Bill, l’une des chevilles ouvrières de l’étude signée Knight Frank, leader mondial de l’immobilier de prestige. Toutefois, le sport a toujours été considéré comme un «investissement passion» pour les personnalités les mieux payées du showbiz, comme par exemple le rappeur Jay Z. Mais aussi les capitaines d’industrie et autres entrepreneurs à succès, à l’instar des oligarques Dimitri Rybolovlev et Roman Abramovitch, des milliardaires Waldemar Kita, Robert-Louis Dreyfus, ou encore Thaksin Shinawatra. «Il y avait jusqu’ici une prédominance de la composante «passion» dans la démarche de placement. Mais cette dynamique est en train de s’inverser rapidement, affirme-t-il. En particulier pour le football, où les nouveaux droits TV font de cette classe d’actifs un investissement rentable et, donc, une alternative de plus en plus sérieuse en termes de diversification de portefeuille.»

«Il y a objectivement beaucoup d’argent à se faire»

Conséquence: les banquiers et autres stratèges de la finance compilent à présent des fiches très détaillées sur les rendements des clubs de foot à l’intention de leurs clients les plus aisés. «De nos jours, la plupart des superriches ne sont pas des fans inconditionnels du ballon rond, achetant une équipe pour des questions de symbole. Ce n’est pas non plus un moyen pour eux d’élargir leur audience cible en distribuant des sésames à leurs partenaires d’affaires pour leur permettre d’assister aux matches dans des conditions privilégiées. Non, il y a objectivement beaucoup d’argent à se faire avec les pelouses», insiste Tom Bill.

Exemple: les recettes de la Premier League britannique (EPL) ont par exemple bondi de 29% l’an passé, à 3,3 milliards de livres sterling, alors que les salaires des équipes n’ont augmenté que de 6%, soit largement moins que prévu. L’EPL a par ailleurs engrangé, en février 2015, des droits de rediffusion TV records de l’ordre de 5 milliards de livres (+71% par rapport au précédent contrat). «Les calculs montrent que pour la saison 2016-2017, même le club qui gravite au plus bas de l’échelle peut s’attendre à des retombées d’environ 100 millions de livres. Les autres devraient toucher quelque 156 millions, soit près du double que par le passé», signale Tom Bill.

Panoplie commerciale et revenus quasi infinis

Preuve que ces perspectives suscitent l’engouement des superriches, même néophytes du ballon rond: l’actionnariat britannique et irlandais des clubs de l’EPL a reculé, ces dix dernières années, de 67% à 40%. Les propriétaires américains, soit une catégorie d’investisseurs connaissant relativement peu le foot européen, sont quant à eux passés de 17% à 30% aujourd’hui.

Dans ce contexte de profit, il n’y a pas que les droits TV qui entrent en ligne de compte. Le «merchandising», le sponsoring, le naming, les kits de formation, la vente de joueurs, etc., à l’échelle locale ou mondiale, sont aussi des sources potentielles de bénéfices importants. «Les possibilités de revenus sont ici quasi sans fin. C’est d’ailleurs cette panoplie commerciale qui fait aujourd’hui du FC Barcelone et du Bayern Munich le deuxième et le quatrième clubs les plus riches de la planète, malgré une politique de billetterie à la saison relativement bon marché [ndlr: les titulaires d'un abonnement bénéficient ainsi d'un rabais et d'une place fixe, mais doivent quand-même compléter le prix d'entrée qui ne cesse de prendre l'ascenseur en raison de l'engouement touristique pour le foot européen», indique Tom Bill.