Dans la «maison du football suisse», siège de l’Association suisse de football à Muri près de Berne, les femmes auront désormais leur chambre rien qu’à elles. L’instance a annoncé ce jeudi que le football féminin national serait gouverné au sein d’un département spécifique, alors qu’il n’était jusque-là qu’une subdivision du très cossu département technique.

Il ne faut pas interpréter cette réorganisation comme une mise à l’écart, mais au contraire comme une mise en valeur. Il est attendu que sous son propre pavillon le football féminin gagne en visibilité, attire de plus en plus de joueuses et se professionnalise. Tatjana Haenni, responsable de la nouvelle structure, gagne au passage sa place au comité exécutif de l’ASF. Elle sera la toute première femme à y siéger et participera à tous les processus de décision.

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Elu président de l’organisation en mai dernier, Dominique Blanc explique avoir consacré six mois et une dizaine de réunions avec des experts à établir la feuille de route du football suisse pour les années à venir. Le développement du secteur féminin s’est imposé comme la deuxième des cinq priorités que ce processus a permis de définir. Les autres concernent en vrac la promotion des talents, l’assistance aux clubs en matière de responsabilité sociale, la communication et la qualité du management.

Nombreux défis

Cette année, ce sont environ 2 millions de francs qui seront injectés dans ces cinq chantiers stratégiques (500 000 francs dans le budget courant, jusqu’à 1,5 million pour lancer de nouveaux projets) selon une clé de répartition à définir. «Nous allons mettre les moyens qu’il faut pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés», martèle Dominique Blanc.

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En matière de football féminin, ils sont nombreux. Etablir la discipline comme numéro un auprès des femmes dans le pays. Qualifier régulièrement les équipes de Suisse pour les compétitions internationales. Renforcer la Ligue nationale A. Augmenter la représentation féminine au sein de l’ASF. «A l’heure actuelle, nous comptons 25 140 licenciées, souligne Dominique Blanc. Ce n’est pas mal, d’autant que ce nombre progresse de 6 à 7% chaque année. Mais cela ne représente encore que 9% de notre total de licences.»

Or, selon des chiffres de l’UEFA, la population suisse serait plus sensible au football féminin que la moyenne européenne. Ce serait bête de ne pas en profiter, alors que la Coupe du monde organisée l’été dernier en France a battu tous les records d’audience et d’impact médiatique… Le dirigeant acquiesce: «Il y a beaucoup à y gagner sur le plan de l’image, du marketing, du commercial. Et il n’y a rien à y perdre. Le football féminin apporte beaucoup mais il n’enlève rien au football masculin.»

D’autres questions

Mais pourquoi fallait-il sortir le football féminin du département technique pour lui faire franchir un cap? «Parce qu’il se pose d’autres questions que chez les hommes, et qu’il faut donc y apporter des réponses différentes», lance la responsable Tatjana Haenni, 53 ans, qui fut joueuse, présidente de club et employée de la FIFA.

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Elle se lance dans un inventaire des chantiers à mener: «Il n’y a actuellement pas assez de filles qui jouent, tout simplement. Il y a aussi le fait qu’elles commencent trop tard, à 7 ou 8 ans au lieu de 5 ou 6 chez les garçons. Ensuite, au sein de la Ligue nationale A, les joueuses s’entraînent jusqu’à huit fois par semaine mais sont obligées de travailler à 100% à côté pour vivre. Elles sont soumises à une pression trop forte, qui occasionne des blessures trop fréquentes. Bref: les challenges sont partout…»

L’Association suisse de football s’estime désormais organisée au mieux pour les relever.