L'épopée du FC Bâle se termine en demi-finale de la Conference League
Football
La Fiorentina a inscrit le but décisif dans les arrêts de jeu de la prolongation, pour s'imposer 4-3 au cumul des matchs aller et retour, laissant le Parc Saint-Jacques interdit. Ce n'est pas cette année qu'une équipe suisse ira en finale d'une compétition européenne

Et soudain, le Parc Saint-Jacques se tut. Interdit. Stupéfait. Incrédule. De longues minutes que le chronomètre du panneau d'affichage était bloqué à 120 minutes - un malaise dans les tribunes avait conduit à une longue interruption du jeu lors de la seconde prolongation. Antonin Barak venait de tromper Marwin Hitz. 1-3 pour la Fiorentina. Le FC Bâle avait gagné 1-2 lors du match aller en Italie. L'exploit n'allait pas suffire pour rejoindre West Ham en finale de la Conference League, le 7 juin à Prague. Fin d'une épopée dans un silence de recueillement, seulement troublé par les manifestations de la joie italienne.
Quand même: la Muttenzkurve, qui réunit les supporters du FC Bâle les plus bruyants, redonne de la voix quand les joueurs se présentent face à elle. «Déçus mais fiers», comme le dit quelques minutes plus tard le milieu de terrain Wouter Burger en zone mixte. «C'est incroyablement douloureux d'échouer si près de la séance de tirs au but. Nous avions le bon esprit, beaucoup d'enthousiasme... C'est terrible que ça s'arrête, même si pas grand-monde nous voyait arriver aussi loin.»
Pour la sixième fois, une équipe suisse échoue en demi-finale d'une compétition européenne. Il y eut, en Coupe d'Europe des clubs champions, Young Boys (1959) et Zurich (1964 et 1977), ainsi que, en Coupe de l'UEFA devenue Europa League, Grasshopper (1978) et… Bâle, déjà, en 2013. Dix ans plus tard, c'est la Conference League, créée en 2021, qui s'est refusée aux Rhénans. Et ce n'est pas faute d'y avoir cru.
Chacun, bien sûr, est libre d'aimer le football ou non. Mais il faut reconnaître à ce jeu la capacité d'animer l'espace public comme peu d'autres activités humaines. Jeudi, le parfum des grandes soirées européennes embaumait bien avant le coup d'envoi du match, et loin du Parc Saint-Jacques. Place de la gare, centre-ville, commerces périphériques: mêmes maillots rotblau sur les torses, même excitation dans les regards. Plus l'enjeu est grand, plus le supporter se pare tôt de ses atours. Ce soir, il y a quelque chose à gagner - cela se sent dans l'air aussi distinctement que les effluves de saucisses grillées.
Engouement tardif
Une table haute devant une cammionnette à bières. Deux Bâlois regardent défiler le flux de spectateurs. «Tellement de Schönwetter-Fans», ironise l'un. «En anglais, on dit Glory-Hunters, répond l'autre. Ça décrit bien la situation.» En championnat, le FC Bâle souffre: sixième place, à un point d'une place européenne. 21 477 spectateurs de moyenne. La possibilité d'écrire l'histoire non seulement du club mais carrément du football suisse en a motivé 36 000 ce soir. «Nous jouons à guichets fermés», crie le speaker du Parc Saint-Jacques.
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Ne pas s'y tromper - il a fallu du temps pour que le public se passionne pour cette troisième compétition européenne dont on ne dispute que la deuxième édition. Le 21 juillet dernier, il n'y avait que 6000 personnes au Parc Saint-Jacques pour le premier tour des qualifications, contre les semi-professionnels nord-irlandais du Crusaders FC. Les matchs du groupe H (contre Pyunik Erevan, Slovan Bratislava et Zagiris Vilnius) n'ont pas attiré 15 000 spectateurs. En quarts de finale contre l'OGC Nice? 21 277, toujours moins que la moyenne du championnat. La perspective de disputer une finale change tout.
Pour l'équipe aussi, d'ailleurs. Quatre jours plus tôt, l'entraîneur Heiko Vogel a sacrifié un match contre Saint-Gall pour reposer ses titulaires (défaite 6-1). Mercredi, en conférence de presse d'avant-match, le latéral Michael Lang disait se sentir «plus stressé que d'habitude».
Gonzalez et les corners
Mais sur le terrain, cela ne se remarque d'abord pas du tout. Bâle a un plan, clair, qui catalyse toutes les émotions. Contenir l'adversaire. Presser fort par moments choisis, lorsque la défense adverse se laisse approcher. «On avait l'idée d'accepter la possession adverse, en étant prêt à se faire mal», expliquera Wouter Burger. Ça marche pas mal. En première mi-temps, la Fiorentina collectionne les erreurs techniques, les mauvais choix, les malentendus. Rien ne va, surtout pas les tentatives d'approches de la cage de Marwin Hitz.
C'est longtemps le FC Bâle, en rupture, qui agite le spectre de l'ouverture du score. Mais sur un corner de la 34e minute, le champion du monde argentin Nicolas Gonzalez s'élève plus haut que tout le monde et les Rhénans se retrouvent menés. Condamnés à réagir.
L'affaire passe souvent par Zeki Amdouni. Déjà auteur de six buts en Conference League cette saison, dont celui de la victoire jeudi dernier à Florence, le Genevois de 22 ans hérite d'un ballon difficile à la 55e minute, efface son défenseur, enroule le ballon à la Thierry Henry dans le petit filet opposé. 1-1. Bâle est à nouveau virtuellement qualifié.
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Mais la Fiorentina, cette fois, est dans le match. Les gestes sont plus sûrs, les efforts mieux coordonnés. Elle reprend l'avantage un quart d'heure plus tard, à nouveau à la suite d'un corner, à nouveau grâce à Nicolas Gonzalez - mais d'une frappe sèche du pied gauche cette fois-ci. Plus rien ne sera marqué avant le coup de sifflet final, qui envoie les deux équipes au-delà du temps réglementaire. Les espoirs rhénans finiront par s'y égarer.
«La Fiorentina est une des meilleures équipes d'Italie», souligne le président du FC Bâle David Degen, après avoir dit son «amertume». L'élimination de son équipe, bien sûr, n'a rien de surprenant en soi. Il n'empêche qu'elle tombe mal. Le club commençait à se figurer que le plus sûr moyen d'être européen la saison prochaine était de remporter la Conference League, ce qui lui aurait valu de participer à la phase de groupes de l'Europa League 2023-2024.
Désormais, il faudra signer une remontada en Super League pour espérer réitérer l'épopée qui vient de s'achever. «Là, tout de suite, je ne sais pas où on va trouver l'énergie d'aborder nos trois derniers matchs comme il le faut, soufflait Wouter Burger, dépité. Mais on verra demain. On va y arriver.» Il vaudrait mieux. Il en va de la pérénité du modèle économique du club, basé sur la mise en valeur puis la revente de jeunes talents. C'est peut-être le seul aspect positif de la soirée de jeudi: une nouvelle fois en évidence, Zeki Amdouni a peut-être bien vu sa cote s'envoler de quelques millions supplémentaires…