Il est à l’origine des Football Leaks, ces fuites d’informations qui ont jeté une lumière crue sur les dérives du foot-business: le Portugais Rui Pinto est jugé à partir de vendredi à Lisbonne pour divers délits informatiques et tentative d’extorsion. Traqué par la justice jusqu’en Hongrie, où il vivait dans l’anonymat avant d’être extradé vers son pays en mars 2019, l’informaticien de 31 ans a passé près d’un an en détention provisoire.

Lire aussi: Rui Pinto alias «John», le pirate du football

Assigné ensuite à résidence, il a coopéré avec la justice portugaise en lui donnant les clés d’une masse de données chiffrées contenant des documents inédits en sa possession lors de son arrestation à Budapest. Remis en liberté le mois dernier, il prendra place sur le banc des accusés alors qu’il bénéficie par ailleurs d’un programme de protection de témoin en échange de sa collaboration avec la justice dans d’autres affaires. «J’espère être acquitté car je suis un lanceur d’alerte et j’ai agi de bonne foi», affirme-t-il dans le Spiegel.

Edward Snowden et Eva Joly comme témoins

Les Football Leaks ont mis en lumière des mécanismes d’évasion fiscale, des soupçons de fraude et de corruption et ont conduit à l’ouverture de procédures judiciaires en France, en Espagne, en Belgique et en Suisse. Parmi les nombreux dossiers qui lui sont imputables: les ennuis fiscaux de Cristiano Ronaldo liés à son passage au Real Madrid, l’affaire du fichage ethnique du Paris SG ou encore la tolérance accordée par l’UEFA aux entorses présumées au fair-play financier du Paris SG et de Manchester City. En mars, la justice portugaise a elle aussi lancé une vaste opération visant les principaux clubs du pays et le puissant agent portugais Jorge Mendes, en raison de soupçons de fraude fiscale lors de transferts de joueurs.

Les représentants du hacker, qui le présentent comme «un très important lanceur d’alerte européen», feront appel à 45 témoins parmi lesquels Edward Snowden, ancien employé du renseignement américain inculpé pour espionnage, ou l’ancienne juge financière française Eva Joly. Au rythme de trois séances par semaine au long des prochains mois, le tribunal se penchera sur les 90 chefs d’accusation retenus par le parquet, qui vont de la tentative d’extorsion au piratage informatique, de la violation de correspondance au vol de données.

Rui Pinto est notamment accusé d’avoir tenté en 2015 de faire chanter le patron du fonds d’investissement Doyen Sports, le Portugais Nélio Lucas, en lui réclamant entre 500 000 et 1 million d’euros pour cesser de publier des documents compromettants sur un site qu’il avait créé avant de remettre ses découvertes au consortium de journalistes d’investigation. Au Portugal, le crime de tentative d’extorsion, le plus grave des chefs d’accusation retenus contre Pinto, est passible d’une peine comprise entre 2 ans et 5 mois et 10 ans de prison.