Il suffit de se balader dans le sud du XIIIe arrondissement de Paris, à Ivry-sur-Seine parfois, pour voir des joggings ou vestes vert et noir. Ces jeunes arborent les couleurs du FC Gobelins, un club dont le siège se trouve porte d’Ivry. Ses équipes jouent et s’entraînent juste à côté, au stade Carpentier, ou au stade Boutroux, porte de Vitry. Le club et ses couleurs font partie du décor comme les tours de plus de 30 étages, les enseignes asiatiques et le tramway.

Stupeur lundi soir: le FC Gobelins Paris 13 est rebaptisé «Paris 13 Atletico», et change de logo par la même occasion – une tour Eiffel, comme le PSG et le Paris FC, sûrement parce que la capitale manque singulièrement de monuments identifiés dans le monde entier. On hésite alors entre dédain, colère et tristesse. Sûrement un peu de tout ça à la fois. Vient le moment des questions: pourquoi Atletico? Juventus Paris, ça aurait de la gueule non? Après tout, le stade Carpentier est près de l’avenue d’Italie… De plus, pourquoi Atletico sans accent si c’est pour rappeler l’Atlético Madrid et sa «grinta»?

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Pourquoi surtout vouloir changer ce nom qui marque l’origine du club, l’avenue des Gobelins, plus haut dans l’arrondissement? A mesure que l’équipe gagnerait en succès, cette entité ancrée dans les quartiers populaires de Masséna et des Olympiades aurait pu, par son nom, faire la jonction avec les endroits cossus du nord de l’arrondissement. Un nom connu de tous les Parisiens puisqu’il est aussi celui d’une avenue, d’une école réputée, d’une manufacture vieille de cinq siècles et d’une station de métro.

«Un côté péjoratif»

Les raisons invoquées par le président du club, Frédéric Pereira, dans Le Parisien, valent le déplacement. «Cette saison, nous avons affronté des équipes de province pour la première fois et les dirigeants nous demandaient le pourquoi de ce nom, si c’était une rue ou un quartier… Il y avait un côté péjoratif. On était ciblé comme un petit club alors qu’on compte 1500 adhérents. Avec ce changement, les gens vont nous situer immédiatement. Et le nom Atletico sonne grand et c’est intéressant au niveau marketing. On veut donner de la grandeur et attirer de nouveaux supporteurs.» Michel Denisot aurait peut-être dû rebaptiser le PSG en SGP lorsque Les Guignols de l’info et fans adverses parlaient de «Paris Sans Gagner» à la fin des années 1990…

Pourtant, on ne peut que féliciter la direction du club, et tous ses acteurs, à commencer par les joueurs et les éducateurs, entraîneurs, pour leurs progrès fulgurants ces dernières années, passant de la division d’honneur en 2014 au National 2 (quatrième division) depuis l’an dernier. Montrant ainsi que le FC Gobelins est bien structuré, ne navigue pas à vue, sait ce qu’est le ballon. Mais instaurer la primauté du marketing sur le sportif n’augure jamais rien de bon. Le FC Gobelins donne envie de s’identifier à cette belle équipe, les quolibets des autres ne pouvant que renforcer cet attachement; l’Atletico met à distance, car il est impersonnel.

Inconsolable «Athlético»

En début d’année, Lyon Duchère est devenu le Sporting Club de Lyon et, en 2018, Marseille Consolat est devenu lui aussi… l’Athlético Marseille. Passons sur la faute d’orthographe puisque cet Athlético est un mix entre les noms du club basque Athletic Bilbao et du club castillan Atlético Madrid, ce baptême est surtout un effacement pur et simple de l’ancrage historique de l’équipe, fondée dans les années 1960 au pied de la Cité Consolat, dans les Quartiers Nord de Marseille. Aux portes de la Ligue 2 deux années de suite avant le nouveau nom de baptême, le club est désormais en National 3 et veut déménager à Aix-en-Provence, devenant ainsi l’Athlétic Football Club Aixois. Des Quartiers Nord à Aix, la boucle gentrificatrice serait bouclée.

Ceux qui abhorrent le foot jugeront cette indignation futile voire déplacée. Seulement, en tant que supporter, on est capable d’avaler, d’endurer un paquet de choses: des maillots «extérieurs» aux couleurs farfelues, des musiques à tue-tête à l’avant-match voire au moment des buts, des joueurs admirés ridiculisés dans des pubs pour bagnoles ou crèmes pour la peau. Reste qu’il y a certaines limites à notre fatalisme. Les logos, les couleurs du club, son nom. Le stade aussi: demandez à tous les supporters du Red Star ce qu’ils pensent d’un déménagement du mythique stade Bauer vers les Docks de Saint-Ouen, comme le souhaite la direction du club. S’enclenchera alors une longue mais passionnante discussion sur ce qu’est un club, son ancrage, ses symboles. Bref, ce qui fait qu’on est passionné par le foot, pas juste pour le ballon et les buts. Ce qui fait qu’on est un supporter et non un fan.