Personne n’est obligé de le croire: au PSG, Neymar va doubler son salaire (de 15 à 30 millions d’euros), tandis que son père devrait toucher au passage une belle prime à la signature (on parle de 40 millions d’euros). Tous deux n’ont pas non plus renoncé au bonus de 26 millions d’euros promis par le Barça à l’automne dernier, lors de la prolongation de contrat du crack sud-américain.
Un entourage très influent
L’influence de son père et de ses amis d’enfance, les «Toiss», a indéniablement pesé dans la décision du capitaine de l’équipe nationale du Brésil. Si Neymar senior nous assurait jeudi soir, à la veille de leur départ, qu’il «avait insisté pour que [son] fils reste», c’est plutôt l’inverse qui se murmurait dans l’environnement du club catalan… «Le problème de Neymar, c’est qu’il a une quarantaine de personnes qui gravitent en permanence autour de lui et influencent ses décisions, note Diego Artero, un aficionado barcelonais qui vit dans le quartier de Les Corts. Et puis comme tous les Brésiliens qui sont venus chez nous, il aime faire la fête. Romario et Ronaldinho étaient pareils. Il n’y a que Rivaldo qui était casanier, car il était croyant.»
La petite sauterie organisée jeudi soir par Neymar dans sa villa de Pedralbes en belle compagnie ne donne pas tout à fait tort à ce quinquagénaire, mais il ne faudrait pas résumer le néo-Parisien à un gamin influençable obsédé par l’argent. C’est aussi un formidable footballeur et un compétiteur-né, comme il le rappelle à qui veut l’entendre depuis l’officialisation de sa venue au PSG. «J’étais à la recherche d’un nouveau défi», expliquait-il ainsi vendredi dans les entrailles du Parc des Princes.
L’ombre de Messi
A Barcelone, Neymar commençait en réalité à se sentir à l’étroit sous la tutelle écrasante du quintuple Ballon d’or (et dieu vivant) Lionel Messi. A l’inverse, le Paris Saint-Germain lui offre un trône à sa mesure et la perspective de remporter le Ballon d’or d’ici à deux ou trois ans, ce dont la prolongation de Lionel Messi avec le Barça – jusqu’en 2021 – semblait le priver à coup sûr.
«Evidemment que je rêve de devenir le meilleur, mais les gens parlent de ça comme si ce n’était pas possible au Barça, nous avait confié Neymar début mai, lors d’un entretien réalisé pour France Football. Moi, je crois que je peux le faire, mais avec calme, tranquillement. Je ne suis pas pressé. Je ne joue pas que pour ça.» Pointait alors chez lui un certain agacement, signe que des doutes étaient apparus dans son esprit sur la suite à donner à sa carrière dans la foulée de l’élimination cinglante de Barcelone par la Juventus en quarts de finale de la Ligue des champions.
Le joueur avait ensuite esquivé la question sur la concurrence entre lui et le petit numéro 10 argentin. «Les gens disent beaucoup de choses, mais moi je me fiche de tout ça, avait-il soupiré. Tout ce qui m’intéresse, c’est ce que dit ma famille, mon père. C’est le plus important. Et je suis heureux. Le reste… C’est moi qui joue au Barça, les gens autour peuvent dire ce qu’ils veulent.»
Quelques tracas
Même s’il prétendait à l’époque qu’il n’était «pas pressé», c’est donc pour devenir le numéro un mondial qu’il a pris la direction de la capitale française à peine trois mois plus tard. Lors de sa brève apparition devant un petit comité de supporters sur le palier de leur résidence barcelonaise, jeudi vers minuit, Neymar senior reconnaissait que son rejeton et lui venaient de vivre «quatre années intense à Barcelone, ponctuées de quelques tracas». Une référence aux accusations de corruption, d’escroquerie et de fraude fiscale qui ont entouré le transfert de son fils de Santos à Barcelone.
En s’envolant pour Paris, où il retrouve quatre partenaires de la Seleçao (Thiago Silva, Marquinhos, Dani Alves et Lucas, sans oublier Maxwell, passé cet été dans le staff technique), Neymar laisse derrière lui ses ennuis judiciaires en même temps que des fans déçus.
A Barcelone, la pilule passe mal
Barcelone n’avait plus essuyé pareil affront depuis l’été 2000. A l’époque, le Portugais Luis Figo, depuis cinq ans au club, décide de passer chez l’ennemi madrilène. Cette année, derrière le Paris Saint-Germain, c’est un autre diable qui se cache, avec qui le Barça a lui aussi flirté récemment: le Qatar.
«Ce n’est pas un club qui s’offre Neymar mais un État, une dictature accusée de financer le terrorisme», clamait jeudi Ernest Folch dans les colonnes du quotidien catalan Sport, tout en admettant que le Barça avait lui aussi bien profité de cet argent six années durant, avec Qatar Foundation (2011-2013), puis Qatar Airways (2013-2017).
Le succès d’un «nouveau riche»
Le départ de la star brésilienne est un coup dur à la hauteur de celui de Pep Guardiola, l’entraîneur (en 2012); le premier d’un joueur de tout premier plan depuis le transfert de Ronaldinho au Milan AC voilà neuf ans. Un bouleversement de l’ordre des choses, en faveur d’un «nouveau riche», que les pontes barcelonais ont bien du mal à accepter.Depuis la mi-juillet, Josep Maria Bartomeu et ses acolytes se sont ainsi voilé la face, tentant de croire jusqu’au dernier moment à une invraisemblable volte-face de dernière minute de Neymar. «Il reste à 200%», affirmait ainsi le 18 juillet Jordi Mestre, le vice-président «blaugrana». Le club a tenté d’exercer une pression sur la Ligue espagnole et sur l’UEFA, afin d’empêcher que le transfert du siècle ne se réalise; en vain.
Une place menacée dans le gotha
Pour l’ancien président Joan Laporta (2003-2010), ce transfert «est une preuve supplémentaire de l’incompétence de cette direction». Même si le club parvient à faire signer une star en devenir (Ousmane Dembélé et Kylian Mbappé sont cités), le départ du Brésilien va laisser de profondes traces. Seule la reconquête de la Liga ou de la Ligue des champions à l’issue de la saison permettrait au club de retrouver grâce auprès des fans et d’oublier définitivement Neymar.
Dans le cas contraire, il faudra aux dirigeants «blaugrana» beaucoup d’imagination et de nouvelles ressources pour continuer à figurer dans le gotha européen, alors que Lionel Messi et Luis Suarez – tous deux sous contrat jusqu’en 2021 – viennent de fêter leurs 30 ans.
(F.T)