«Mon objectif est de donner la possibilité aux gens de se connaître. Car l’amélioration de la société passe par une meilleure connaissance et estime de soi.» Mark Milton a la voix douce et un projet ambitieux. Il est le responsable de la fondation Education 4 Peace (éducation pour la paix), qu’il a créée en 2002. Depuis 2007, il développe avec son organisation des projets éducatifs dans le football, avec un but qui correspond à ses aspirations: aider les jeunes footballeurs à s’épanouir grâce à leur pratique sportive et aux relations aux autres.

Sur l’expérience de la «boussole relationnelle»: Et si le football apprenait à maîtriser ses émotions?

La fondation collabore, notamment, avec la fédération belge et, en Suisse, avec les associations cantonales genevoise et fribourgeoise. «Avec Mark, nous nous sommes rencontrés pour la première fois il y a quatre ans lors d’une conférence, explique Benoît Spicher, le président de l’Association fribourgeoise de football (AFF). Le contact a tout de suite été très bon et nous avons décidé de monter un projet. Nous partageons l’idée que, derrière l’enfant footballeur, il y a avant tout un être humain.»

Exprimer son ressenti du moment

Entre mars et juin, une dizaine d’équipes juniors du canton de Fribourg ont ainsi expérimenté la «boussole relationnelle», un outil conçu par Mark Milton. Le concept est précis: à divers moments de l’entraînement ou du match, l’entraîneur organise de courtes séances de discussions collectives avec tous ses joueurs. Ceux-ci doivent exprimer leur ressenti du moment, en utilisant une échelle comportant quatre degrés, où chacun correspond à un point cardinal. La palette va du plus bas, «je ne me sens pas en lien avec moi-même ni avec les autres», au plus positif, «je me sens en lien avec les autres et la vie». Les enfants sont encouragés à expliquer pourquoi ils se trouvent dans un état émotionnel plutôt qu’un autre.

La participation des entraîneurs à cette expérience s’est faite sur une base volontaire. Au début des trois mois, ils ont bénéficié d’une journée de formation donnée par Mark Milton. Ils ont ensuite été suivis individuellement par l’équipe encadrante – constituée de personnes actives dans l’éducation – deux fois trente minutes mensuellement, par téléphone.

A la hauteur des attentes

Le projet a fait l’objet d’une étude scientifique pilote. Elle a été menée par deux chercheurs de l’Université de Genève, Marcello Mortillaro, du Centre interfacultaire des sciences affectives, et Olivier Schmid, psychologue du sport et de la performance. Ils ont présenté leurs résultats à l’Université de Fribourg le vendredi 30 août. «Après ces trois mois d’utilisation de la boussole relationnelle, on constate qu’il y a un point de départ très encourageant pour le développement personnel des jeunes», relève Marcello Mortillaro. Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont fait remplir des questionnaires aux entraîneurs et à leurs juniors avant et après l’expérimentation. Ils se sont également entretenus avec huit coachs après les trois mois.

Les tendances observées par les entraîneurs sont positives, tant pour eux-mêmes que pour leurs jeunes joueurs. Les techniciens se sentent davantage aptes à écouter activement sans forcément intervenir ni juger, à comprendre les émotions de leurs joueurs et à prendre en considération leur rôle éducatif. Certains ont aussi constaté une baisse de leur impulsivité. Côté joueurs: une estime de soi et une confiance personnelle en progression (y compris balle au pied) ainsi qu’une meilleure cohésion dans le groupe grâce à davantage d’écoute d’autrui et de connaissance de soi. Certains entraîneurs ont aussi relevé une amélioration notable des résultats sportifs de leurs équipes.

Démocratiser le bien-être

Ces conclusions réjouissent Mark Milton. Le fondateur d’Education 4 Peace souhaite désormais pouvoir implanter la boussole relationnelle dans les écoles et d’autres sociétés sportives. «Mon but est de démocratiser les ressources d’épanouissement personnel, pour tendre vers une société plus pacifiée.» Sa collaboration avec l’AFF va se poursuivre, avec la mise sur pied cet automne d’une nouvelle formation destinée aux entraîneurs. «Il y a douze ans, je me sentais un peu seul avec mon bâton de pèlerin et ma boussole, raconte Mark Milton. Aujourd’hui, la volonté d’amélioration des relations est en hausse dans la société. Les clubs ont aussi pris conscience que de bonnes relations humaines sont décisives dans les résultats sportifs.» Olivier Schmid acquiesce, mais nuance: «La préoccupation des relations humaines arrive toujours bien après l’entraînement technique ou physique.»