En Argentine, le sport le plus populaire du monde a ainsi droit de cité dans l’endroit le plus chic et en théorie le plus élitiste du pays. Le Teatro Colón, haut lieu de la musique classique, a ainsi diffusé une vidéo dans laquelle une chorale de jeunes chanteurs reprend le tube du Mondial sous les dorures du splendide Opéra Porteño (de Buenos Aires). A Villa de Merlo, près de Cordoba, au nord du pays, on a vu une bande d’amis défiler sur un tank afin de célébrer la qualification de la Scaloneta (l’équipe de Lionel Scaloni) pour la finale, tandis qu’à Buenos Aires, un chauffeur de bus a lâché son volant en plein service pour aller communier avec ses congénères.
A la chasse aux signes
À Mendoza, un prêtre a été porté en triomphe devant son église par les fidèles au rythme de Muchachos (forcément), une réplique de la Coupe du monde levée au ciel. À Rosario, berceau de Lionel Messi et Ángel Di María, un homme a chevauché une statue équestre sur le Monument au drapeau, devant une foule en délire. À Parana, un retraité s’est vu offrir un téléviseur après avoir regardé les précédents matches de la Selección sur le trottoir, via un appareil exposé dans la vitrine d’un magasin.
A relire : Rosario, centre du monde
Autant de travesuras (qu’on pourrait traduire par «actes démesurés») qui ont fait le buzz sur les réseaux sociaux cette semaine et prouvent que les Argentins – ce sont eux qui le disent – méritent d’être champions du monde. Il faut dire que depuis des mois, publicitaires et anonymes rivalisent d’imagination afin de trouver des coïncidences entre cette édition de la Coupe du monde et celle remportée par l’Argentine de Diego Maradona il y a de cela 36 ans.
La marque de bière Quilmes a habilement lancé cette campagne avec une ingénieuse publicité. «La finale du Mundial 86 s’est jouée à midi et celle de cette année aussi», lance d’abord une jeune femme à ses amis, dans ce spot visible sur Youtube. «Le Canada s’est qualifié en 86 et là également», argumente ensuite un gardien de musée à l’un de ses collègues. «Sais-tu combien de fois (Robert) De Niro est venu en Argentine? Cette année et en 86», souligne encore un homme d’un certain âge à sa femme déjà tombée dans les bras de Morphée à ses côtés.
Le «virus du chameau» et la «main de Dieu»
Le dernier signe «divin» a surgi jeudi, lorsque la FIFA a désigné Szymon Marciniak comme arbitre de la finale de cet après-midi. Le Polonais est né un 7 janvier… à l’instar de Romualdo Arppi Filho, l’homme au sifflet du choc remporté par la formation de Carlos Bilardo face à la RFA, au stade Aztèque de Mexico. Vendredi, l’article le plus lu sur le site du grand quotidien La Nación était celui reprenant la prédiction de Zlatan Ibrahimovic, coéquipier de Messi au Barça (2009-2010). «Il soulèvera le trophée, c’est écrit», estime le géant suédois.
Le journal fondé en 1870 rappelle dans un autre article que l’Argentine a remporté la seule grande compétition internationale de football qui s’était joué au Qatar jusque-là: la Coupe du monde des moins de 20 ans 1995, sous les ordres de José Pekerman, l’un des mentors de l’actuel sélectionneur Lionel Scaloni et de ses adjoints Pablo Aimar, Roberto Ayala et Walter Samuel.
Les compatriotes de Lionel Messi se veulent malgré tout prudents avant le sommet de dimanche et guettent les moindres signaux venus du camp français. La mystérieuse maladie qui a frappé plusieurs Bleus ces derniers jours a été rebaptisée en Argentine «virus du chameau» et l’éventualité d’un come-back de Karim Benzema dans les rangs français a animé les débats, dans les émissions de foot comme dans les cafés, ces dernières heures. Insuffisant néanmoins pour faire vaciller la foi des Argentins, qui savent que Santo Diego Maradona veille désormais sur eux depuis les cieux. Et pourrait convoquer de nouveau la main de Dieu.