Il faut l’écrire pour le croire, après trois jours à ressasser une improbable déroute et à anticiper un retour précipité en Challenge League: Neuchâtel Xamax a sauvé sa place dans l’élite du football suisse, qui comptera trois formations romandes la saison prochaine pour la première fois depuis la saison 2012-2013. Avant de céder son banc à Joël Magnin et de s'asseoir sur celui du FC Sion, Stéphane Henchoz a mené ses hommes vers le maintien. Dans l'adversité, au caractère, à l'orgueil, aux tripes. A la neuchâteloise.
«L'Aaraumontada»
Il ne se trouvait pas grand-monde pour y croire dimanche en début d’après-midi, sous le cagnard argovien. En ville se profilait la célébration d’une promotion inespérée. Au stade flottait dans l’air, mêlée à celle des délicieuses brochettes locales, une odeur de fête. «Le mot du jour, c’est l’Aaraumontada», se marrait à son arrivée un membre du staff neuchâtelois, mais cela tenait plus de la blague que du pronostic sérieux. A leur descente du bus, les joueurs eux-mêmes dissimulaient leur espoir dans le noir de leur regard.
L’époque a pourtant habitué les amateurs de football à ne pas tenir pour acquis un résultat partiel, tout rédhibitoire qu’il puisse paraître. Il y a eu le Barça contre le PSG, Rome contre le Barça, la Nati contre la Belgique... Ces précédents, les hommes de Stéphane Henchoz s'en sont nourris. «Nous avons parlé de ces matchs, nous avons revu les images, témoignait le défenseur Mustafa Sejmenovic à la fin de la rencontre. Cela, et d'autres choses, nous a aidé à nous mettre dans de bonnes dispositions. Au sein du vestiaire, il y en avait qui n'y croyaient pas trop, mais d'autres étaient persuadés que nous pouvions faire quelque chose et ils n'ont pas lâché, ils ont envoyé des messages, ils ont répété leurs espoirs... Ça a fini par prendre, et au final, nous avons bel et bien réussi.»
Les Neuchâtelois ont abordé la partie avec une réelle rage de vaincre et une énergie folle. Il y avait beaucoup de nervosité aussi: après huit minutes de jeu, deux Neuchâtelois avaient déjà écopé d'un carton jaune. Ils ne s'étaient par contre pas réellement montré dangereux. Il a fallu attendre la 20e minute de jeu et une faute de Giuseppe Leo sur Gaëtan Karlen dans la surface de réparation pour que Serey Die puisse entamer l'opération «remontada» sur penalty. Petit à petit, les doutes se sont alors insinués dans les esprits argoviens et Xamax en a largement profité. Marcis Oss puis Kemal Ademi inscrivaient les buts numéro 2 et 3 de la tête sur corner, pour atteindre la mi-temps avec trois buts d'avance, et l'ascendant psychologique.
«A l'image de notre saison»
Tout restait à accomplir, mais les Neuchâtelois ont alors eu l'intelligence de ne pas se précipiter - comme ils avaient pu le faire lors du match aller - et d'attendre leur heure. Elle est arrivée à vingt minutes du terme, par l'entremise de Geoffrey Tréand, au bout d'une belle action collective. A 0-4, Xamax a souffert. Beaucoup. Le FC Aarau aurait même pu classer l'affaire dans les arrêts de jeu du temps réglementaire, mais Marco Schneuwly, seul à cinq mètres, a raté le cadre. Pendant les prolongations, la peur est passée d'un camp à l'autre, avec des Argoviens qui semblaient plus pressés d'en finir que leurs visiteurs, jusqu'à atteindre la fameuse séance de tirs au but.
Les Romands l'ont maîtrisée de bout en bout, bien lancés par un Laurent Walthert qui a intercepté le premier tir adverse - le seul qui sera raté. Après avoir ouvert le score bien plus tôt dans l'après-midi, c'est Serey Die qui y a mis un point final pour libérer les siens et plonger le Brügglifeld dans la torpeur.
Sur la pelouse argovienne, Mustafa Sejmenovic ne peut cesser de sourire. «Si on réfléchit, ce barrage sera à l'image de notre saison: une première partie ratée, et une deuxième pendant laquelle on revient en trombe. C'est un immense bonheur de terminer ainsi.» Le défenseur central, qui s'est engagé avec Yverdon Sport en troisième division, a fait ses adieux à la Super League. Mais pas Xamax.