L’équipe de Suisse n’abordait pas sa double confrontation contre l’Irlande du Nord en toute sérénité. Les absences conjuguées de Johan Djourou et Valon Behrami, deux des piliers de Vladimir Petkovic, promettaient d’être difficiles à compenser en vue d’une échéance si importante. Avec Manuel Akanji (22 ans) et Denis Zakaria (20 ans), le sélectionneur a fait le pari de la jeunesse et de la fraîcheur. Il s’est révélé gagnant sur toute la ligne. Ces deux joueurs-là portaient déjà de belles promesses à moyen terme. Ils ont montré à Belfast être prêts à les tenir dans un futur immédiat.

Les idées claires et le pied sûr

Avant la rencontre, certaines voix plaidaient pour sortir le stoppeur Steve von Bergen de sa retraite internationale – déclarée au terme de l’Euro 2016 – afin qu’il apporte son expérience au groupe dans le contexte très particulier d’un barrage de qualification pour une Coupe du monde. Mais Vladimir Petkovic n’est pas homme à réchauffer les plats.

Le vétéran neuchâtelois réalise certes une bonne saison avec Young Boys, mais c’est aussi le cas de Manuel Akanji à Bâle. Il assure en Super League. Il tient la route en Ligue des champions. Déjà titularisé en équipe nationale contre Andorre, fin août, il avait gardé les idées claires sous l’averse et le pied sûr dans les flaques d’eau détrempant la pelouse saint-galloise.

Comme un patron

Contre l’Irlande du Nord, il a récidivé en toute simplicité. Propre dans les duels, sobre à la relance, il a suppléé Johan Djourou dans le même rôle au sein de la charnière centrale de la Nati: à lui le boulot physique ingrat, à Fabian Schär la responsabilité de distiller les premières passes plus compliquées. «Sincèrement, avec Manuel, je n’avais pas l’impression d’avoir devant moi un jeune joueur, témoignait Yann Sommer à la fin du match. Il a joué tout en contrôle comme s’il avait l’expérience d’un défenseur de 30 ans.»

Le gardien de la Nati est tout aussi élogieux quant à Denis Zakaria. En 2005, la carrière internationale de Valon Behrami avait débuté dans l’enfer des barrages qualificatifs pour la Coupe du monde contre la Turquie. Douze ans plus tard, le Tessinois devenu grand frère de la Nati a assisté à l’avènement de celui qui pourrait être son successeur. Après avoir enchaîné les courtes apparitions en équipe de Suisse depuis la fin de l’Euro, le grand Genevois (1m91) a fêté sa première titularisation. Ce sera sans doute loin d’être la dernière.

J’ai encore beaucoup à apprendre. Par exemple, ce soir, j’ai commis trop de fautes à mon goût…

Denis Zakaria

Brillant la saison dernière à Young Boys, il s’est depuis installé dans l’entre-jeu du Borussia Mönchengladbach, en Allemagne, en gardant les yeux brillants du gamin modeste qui vit un rêve éveillé. «Je suis encore très jeune et avant chaque match, je ressens un peu d’appréhension, souriait-il jeudi après la partie. J’ai encore beaucoup à apprendre. Par exemple, ce soir, j’ai commis trop de fautes à mon goût…»

C’est le seul reproche qui peut lui être fait. Au-delà, il fut un des Suisses les plus durs à l’impact, forçant l’admiration d’un public britannique friand de joueurs engagés. Il était pourtant sous la menace d’un avertissement qui l’aurait privé du match retour mais, aussi incroyable que cela puisse paraître, il l’ignorait! «Ce n’est peut-être pas plus mal, ainsi j’ai joué totalement libéré», nous glissa-t-il après avoir pris connaissance de l’information…

Génération cool

Dans le sillage d’un Breel Embolo encore jeune (20 ans) mais déjà bien installé, Manuel Akanji et Denis Zakaria représentent la génération cool qui, un jour, aura le destin de l’équipe de Suisse entre les mains. Ces footballeurs-là sont plus décomplexés que les Xhaka, Rodriguez et Seferovic, qui eux-mêmes l’étaient davantage que leurs aînés.

Et au-delà des deux titulaires jeudi à Belfast, Edimilson Fernandes et Nico Elvedi prétendront aussi bientôt à des rôles en vue, même si ce ne sera probablement pas encore pour dimanche à Bâle.