Franck Cammas à bord de broche
voile
Le skipper français et son trimaran géant sont en passe de remporter la Route du Rhum 2010, sauf incident de dernière heure. Un sacré défi relevé, puisque le bateau Groupama III est conçu pour un tour du monde en équipage
La mer est rarement avare de coups de Trafalgar. Les marins le savent trop bien. Eux qui ne cessent de rappeler aux terriens que «tant que la ligne d’arrivée n’est pas franchie…» Le conditionnel s’impose donc. Sauf incident, Franck Cammas devrait logiquement remporter la Route du Rhum 2010. Ralenti lundi à l’approche de la Guadeloupe, le skipper aixois et son trimaran géant Groupama III étaient attendus dans la nuit (soit mardi dans la matinée, heure suisse) à Pointe-à-Pitre.
Les traditionnels alizés n’étant pas au rendez-vous, Cammas et ses poursuivants auront eu affaire à une situation météo complexe. «Il va falloir tricoter jusqu’en Guadeloupe et essayer de tirer les bons bords. Ce sera compliqué. Je me trouve en bordure d’une dépression tropicale avec des grains et des vents instables qui partent dans tous les sens. En solitaire, on avance moins bien», confiait le navigateur hier à la mi-journée.
Leader de la classe ultime des multicoques (60 pieds et plus), Cammas aura réalisé un sans-faute depuis le départ de cette 9e édition, donné à 13h02 le dimanche 31 octobre de Saint-Malo. Ni Thomas Coville sur Sodebo, qui a suivi la même route nord que le skipper de Groupama III, ni Francis Joyon (Idhec) et Yann Guichard (Gitana XI), tenants d’une option beaucoup plus sud, ne semblaient en mesure de voler la vedette à Cammas, pour qui ce sera la première victoire dans cette course transatlantique en solitaire.
«Une plus grande sérénité»
Favori sur le papier avec son trimaran plus large que les autres, l’Aixois avait un sacré défi à relever, consistant à mener tout seul à travers l’Atlantique un voilier conçu pour un tour du monde en équipage. S’il est effectivement très physique – Cammas dit avoir les bras qui ont doublé de volume en une semaine –, son «camion» s’est, en revanche, avéré plus sûr que le trimaran de 60 pieds à bord duquel il avait disputé les précédentes éditions du Rhum. «Ce bateau m’a apporté une plus grande sérénité. Avec le 60 pieds, j’avais failli me retourner à plusieurs reprises, du fait des vents changeants qu’on avait dans les grains. Là, je peux me permettre plus de choses et tenir des moyennes plus élevées.»
Même si cela fait plusieurs jours que l’odeur de l’arrivée vient lui titiller les narines, Cammas prenait son mal en patience, conscient que le dénouement s’annonçait laborieux: «A la fin, on a souvent l’impression d’être arrivé alors qu’en fait, on n’est pas du tout arrivé. On trouve le temps long. Mais il faut lutter contre la fatigue et rester vigilant, car les dernières heures de course sont aussi importantes que les premières et souvent plus tactiques que celles du milieu. Il faut éviter les embûches. En se rapprochant de la terre, les dangers sont plus nombreux avec les pêcheurs et les navires. C’est le bon moment pour tester sa patience.»