Haya bint Al-Hussein de Jordanie, cavalière royale... allergique aux chevaux
HIPPISME
La princesse de Jordanie, fille du défunt roi Hussein, participe, dès ce jeudi à Palexpo, au Concours hippique international de Genève. Entretien avec une altesse qui a porté les couleurs de son pays aux JO de Sydney.
Fille du défunt roi Hussein de Jordanie, décédé l'an dernier, et de la reine Alia Al-Hussein, morte en 1977, Son Altesse Royale la princesse Haya bint Al-Hussein (26 ans) ne représente pas seulement les intérêts de sa famille en Europe, elle est aussi une cavalière émérite. A ce titre, elle participera pour la première fois, dès ce jeudi, au Concours hippique international de Genève.
Après avoir entamé ses études en Jordanie, Haya bint Al-Hussein s'est rendue en Angleterre, à Bristol puis à Dorcet, dès 1985, avant d'entrer à l'Université d'Oxford, où elle a obtenu un diplôme en politique, philosophie et économie, en 1995. Elle a aussi étudié l'espagnol, l'allemand, l'italien et le russe. Et parle aujourd'hui l'arabe, l'anglais et le français. Impliquée dans un grand nombre d'œuvres et d'associations dans son pays d'origine – elle est, par exemple, présidente d'honneur du Syndicat national des transports mécaniques de Jordanie en sa qualité de seule femme du pays à posséder un permis poids lourd – la princesse a aussi été élue «Athlète de l'année 1993» en Jordanie. Elle a également représenté son pays au sein de la Fédération équestre internationale, et porté le drapeau national aux récents Jeux olympiques de Sydney. Interview.
Le Temps: Que savez-vous de Genève?
SAR la princesse Haya bint Al-Hussein: Je n'y suis pas venue souvent. Mais j'y ai de bons amis. Le concours hippique sera une bonne occasion de les revoir. Je ne connais pas bien non plus la Suisse, où je suis surtout venue skier.
– Vous avez un autre lien avec la Suisse: votre cheval, «Lucilla II».
– Oui, il a disputé ses premiers concours internationaux sous la selle de la Vaudoise Nadège Théodoloz.
– Vous avez participé aux JO de Sydney. Cela a-t-il changé quelque chose dans votre carrière de cavalière?
– Disons que la Jordanie s'est enflammée pour mon sport. Au point qu'un groupe d'Arabes m'a acheté deux nouveaux chevaux (n.d.l.r.: «Mania-Jolly», monté à Sydney par le cavalier japonais Taizo Sugitani, et «Little-Rock», devenu aujourd'hui «Rock'n'roll»). Actuellement, je dispose de trois chevaux de Grand Prix, tous basés au Polo-Club de Paris, au cœur du bois de Boulogne. C'est là que je suis le plus souvent avec mon entraîneur, la cavalière américaine Alice Debany-Clero (n.d.l.r.: qui participera également au CSI-W de Genève). Les Jeux m'ont aussi aidée à me faire connaître dans le monde entier.
– Est-il facile de concilier une carrière internationale de cavalière et une vie d'altesse royale?
– Ce n'est pas simple du tout. Ma priorité est de représenter les intérêts de ma famille en Europe. L'équitation vient après. J'essaie de trouver un juste équilibre entre ces deux activités. J'ai beaucoup d'obligations. Pas mal de bons moments aussi, grâce à mon sport de prédilection. En gros, il ne me manque que trois heures par jour pour mener une vie normale. Je consacre six heures quotidiennement à l'équitation et six autres heures à mes tâches de représentation.
– Votre nom est-il un handicap dans votre parcours de cavalière?
– Sans doute. Comme je concours au niveau international et que j'ai du sang royal, je suis forcément sous les feux des projecteurs. D'autant que je suis arabe. Au début, je pense que les cavaliers ne me prenaient pas au sérieux, car seuls comptaient pour eux les résultats. Aujourd'hui, j'espère que leur regard a changé. Si j'ai des enfants un jour et qu'ils désirent pratiquer l'équitation en concours, il est certain que je leur ferai changer de nom, pour leur éviter la pression.
– D'où vous est venue cette passion?
– J'ai toujours vécu au milieu d'animaux. C'est mon père qui m'a encouragée à monter à cheval. Il est souvent venu me voir monter en concours, en se cachant un peu pour ne pas être reconnu. J'ai commencé par le dressage, mais cette discipline ne correspondait pas à mon caractère. J'ai donc passé au saut, une spécialité plus spontanée.
– D'autres membres de votre famille pratiquent-ils l'équitation?
– Vous allez rire: toute ma famille est physiquement allergique aux chevaux. Y compris moi. Mais j'essaie de convertir au saut d'obstacles la jeune génération de mon entourage. J'ai deux sœurs qui montent déjà en concours. J'espère qu'elles pourront participer à des concours de haut niveau. Et je souhaite que la carrière que je mène permette le développement du saut dans ma région. Je vois de bonnes possibilités.