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Le hockey suisse entre flux et reflux, ou les fortunes diverses de la conquête de l'Ouest

Michel Riesen n'est plus la «Swiss Miss» des Edmonton Oilers. En septembre, après presque trois ans en Amérique du Nord, l'attaquant biennois a tourné le dos à son rêve de jouer en National Hockey League et a réintégré son ancien club de Davos. Comme d'autres

A son propos, un chroniqueur canadien s'était permis ce jeu de mots enthousiaste, mais tout sauf prémonitoire: «Three Riesen to believe» (Trois Riesen/raisons d'y croire). Tout ça parce qu'en match de présaison de National Hockey League (NHL), à l'automne 2000, Michel Riesen avait marqué trois buts sous son nouveau maillot des Edmonton Oilers. Le commentateur y avait vu le signe qu'après plusieurs années à galérer dans les ligues mineures, à bouffer des miles dans des bus devenus seconde maison pour un salaire de misère, l'heure avait enfin sonné pour l'attaquant suisse. L'heure du grand bain sous les couleurs portées jadis par Wayne «The Great One» Gretzky. L'heure du strass et des paillettes, des voyages en avion à travers toute l'Amérique du Nord, des hôtels de luxe. Bref, de tout ce qui constitue la vie trépidante et grassement payée de la plus prestigieuse ligue professionnelle du monde. Las! Après un maigre assist en douze matches officiels, Michel Riesen a été renvoyé dans les bas-fonds du paradis: les Hamilton Bulldogs, l'équipe réserve. Pire, il est redevenu du jour au lendemain cette «Swiss Miss» – double jeu de mot cette fois, qui en faisait la «Demoiselle suisse» et le «Suisse qui rate» – raillée par les durs à cuire qui peuplent ces ligues mineures pour son goût modéré pour la bagarre. C'en était trop. En septembre de cette année, quand le championnat a repris de ce côté-ci de l'Atlantique, le Biennois avait depuis longtemps remisé ses rêves de conquêtes américaines au placard des souvenirs. Il était de retour à Davos, le club de son éclosion. Celui qu'il avait quitté il y a trois ans avec des rêves d'Amérique au bout de la crosse. Cette année, il n'est pas le seul à être rentré bredouille au bercail. Reto von Arx a lui aussi tourné le dos aux appels du large, faute d'avoir réussi à y répondre. Quelques sorties sous le maillot des Chicago Black Hawks ont eu raison de son enthousiasme: direction Nordfolk Admirals, l'équipe «ferme» des Hawks, comme on dit au pays des vastes plaines et du bétail élevé aux hormones de croissance. Seule consolation, le capitaine de l'équipe de Suisse n'a pas eu à cohabiter trois ans avec ses rêves de gloire dans les égouts de la renommée. A côtoyer des coéquipiers qui sont autant de concurrents prêts à tout pour arracher au destin une place pour le paradis. Sur le plan de l'amour propre, le retour a été moins dur. D'autant qu'il semble moins définitif que celui du Biennois.

Michel Riesen, Reto von Arx. En cet automne 2001, le reflux a également charrié vers leur port d'origine d'autres apprentis conquérants: Thomas Ziegler (68 matches avec Detroit Vipers, puis 5 matches avec Tampa Bay Lightning), Arne Ramholt (62 matches avec les Norfolk Admirals), rentrés panser leurs plaies avant peut-être de retourner outre-Atlantique tenter leur chance. Ce mouvement de reflux n'empêche pas de nouvelles pousses d'aller tenter leur chance vers les lumières nord-américaines. Le flux Est-Ouest, qui s'est accéléré ces dernières années, a poussé Goran Bezina et ses 100 kilos taillés pour le Nouveau Monde vers les Phoenix Coyotes, propriété de Wayne Gretzky. En fait, vers leur équipe réserve des Springfield Falcons. L'ancien défenseur de Fribourg-Gottéron a beau en imposer du haut de son 1 mètre 90, même combat pour lui que pour ses prédécesseurs: passage obligé par les ligues mineures. Ce flux a également poussé un autre défenseur, le Jurassien de Lugano Julien Vauclair, vers les Ottawa Senators et leur équipe réserve (Grand-Rapids Griffins). Tout sauf une sinécure, malgré l'intitulé, puisque là comme ailleurs, on apprend à se battre pour ne pas être le maillon faible d'un univers impitoyable.

En cette fin d'année 2001, David Aebischer demeure donc le seul Suisse à s'être extrait de la masse des prétendants et à avoir solidement planté ses deux patins en National Hockey League. Doublure de Patrick Roy à Colorado Avalanche, le gardien fribourgeois conforte sa position de dauphin du grand Québécois après avoir remporté la Coupe Stanley, Graal des Graal, en juin dernier. Premier Suisse à inscrire son nom sur le trophée, il incarne le rêve américain dans ce qu'il a désormais de réalisable pour des jeunes Suisses que le confort douillet de leur championnat ne satisfait plus. Flux et reflux: les candidats à l'aventure se pressent de plus en plus nombreux vers le Nouveau Monde. Pour l'heure, ils ne sont pas 500 à partir, et se voient encore moins 3000 en arrivant au port. Mais pour combien de temps encore?