L’annonce faite le 27 février par le Lausanne Hockey Club a été à la fois un coup de sac et un coup de tonnerre. En congédiant son entraîneur Ville Peltonen et son directeur sportif Jan Alston à deux matchs du terme de la saison régulière, le club a frappé très fort. Si le nouveau coach Craig MacTavish a perdu pour ses débuts à Genève (4-1), il a dès le lendemain corrigé le tir en achevant le tenant du titre Berne (3-2) pour se hisser à la sixième place finale du classement.

Le Canadien aurait normalement dû travailler dans l’urgence pour préparer le quart de finale contre Davos, qui était programmé à partir de ce samedi. Mais l’interdiction prononcée par le Conseil fédéral de tout rassemblement de plus de 1000 personnes et le refus des clubs de jouer à huis clos ont changé la donne.

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Avec un championnat suspendu a minima jusqu’au 15 mars, toutes les équipes doivent prendre leur mal en patience, entretenir la forme, maintenir le rythme et peaufiner quelques réglages, le tout en étant privé de l’unique condiment qui donne réellement de la saveur à cet univers: le sel de la compétition. Les équipes qui profitaient d’une bonne dynamique accusent forcément le coup. Mais dans le cas de Lausanne, cette respiration non planifiée donne un peu de latitude pour assimiler les préceptes d’un coach à peine débarqué.

Craig MacTavish l’affirme sans ambages: il se sent capable de transmettre ses idées en deux semaines. «Absolument, lance-t-il. Ce ne sont pas de nouveaux concepts pour les joueurs. Tout le monde connaît les principes de base et choisit de les appliquer d’une certaine manière. On peut par exemple décider d’évoluer de manière passive ou alors de manière agressive. Les joueurs possèdent suffisamment d’expérience et ce ne sera pas difficile pour eux.»

Pas de révolution

Craig MacTavish n’a pas quitté son Alberta pour mener une révolution ou réinventer le hockey sur glace. Celui qui a dirigé le Team Canada à la dernière Coupe Spengler s’active plutôt à trouver les bons boutons à presser pour faire d’un effectif cinq étoiles une machine conquérante capable de passer un, voire deux tours de play-off.

Pas question de jeter au feu tout ce qui a été fait par son prédécesseur, comme ce fut le cas à Fribourg lorsque Christian Dubé a pris la place de Mark French. «Mon équipe ne s’est pas qualifiée pour les play-off par hasard», insiste l’ancien coach des Edmonton Oilers en NHL, avant d’évoquer «son» hockey. «Il y a des choses que j’aime voir dans mon équipe. Mais on parle de touches subtiles. Contre Berne, la couverture en zone défensive a été très bonne de mon point de vue. Je n’ai pas souvenir d’avoir vu une équipe bloquer autant de lancers [26]. Cela dit, on va encore essayer de réduire ce nombre. Cela voudra dire que l’adversaire a eu moins d’opportunités», lâche-t-il encore dans un sourire.

Le système prôné par MacTavish induit un forecheck agressif qui doit permettre au LHC de récupérer davantage de pucks en provoquant beaucoup de revirements adverses. Un jeu direct faisant la part belle au patinage, qui est une signature de «MacT» au même titre que l’envie de contrôler le palet est la marque de fabrique de la plupart des entraîneurs finlandais.

Analyste sur la chaîne MySports, Stéphane Rochette a lui aussi perçu le virage au sein du club vaudois. «Surtout contre Berne, j’ai trouvé l’équipe moins passive. On sent clairement un changement de mentalité avec des joueurs plus autonomes en phase offensive.»

Des attaquants plus libres

Dans l’incertaine attente des play-off, les Lions sont comme en cage – mais ils cherchent à retirer le positif de cette situation inédite. «On prend tout ce qu’on nous donne comme jours supplémentaires pour travailler sur le système et la tactique avec le nouveau coach, avance l’attaquant Christoph Bertschy. C’est vrai que ce délai nous aide. On peut s’entraîner pendant deux semaines en mettant le curseur sur ce que le coach veut, au lieu de devoir déjà se préparer spécifiquement pour un match de play-off. Mais s’il faut attendre trop longtemps, cela va casser le rythme.»

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Le Fribourgeois ne cache pas qu’il a accueilli avec plaisir le système mis en place par le nouvel homme fort de Malley. «On patine beaucoup. Il veut que l’on gagne des pucks en zone d’attaque. Personnellement, ça me convient. Je suis un bon patineur. Après, je ne dis pas que le précédent système ne me convenait pas, c’était juste différent. MacTavish nous amène un nouveau truc. Si, durant ces deux semaines, on arrive à l’intégrer, on sera chauds pour les play-off. Si play-off il y a…»

Soigner les blessures

Qui dit temps de préparation allongé dit aussi davantage de jours pour soigner les blessures. Et à Lausanne, certains joueurs importants pansent leurs plaies. Cody Almond ménage son dos, alors que Joël Vermin préserve son épaule. «Parmi nos joueurs sur le flanc, certains sont des composantes essentielles de notre power play», précise Craig MacTavish sans entrer dans les détails. Le Canadien entend bien également redonner de la vie à un jeu de puissance en deçà de ses réelles possibilités et, surtout, remettre sur pied un jeu en box play jusque-là insuffisant (65% de taux de réussite seulement avec un ou deux hommes de moins sur la glace).

On dit souvent qu’un power play qui tourne bien fonctionne à l’instinct en profitant du talent des joueurs en place. Or, à Lausanne, ce n’est pas le talent qui fait défaut. Il ne manque finalement «que» cette étincelle capable de réanimer.

Bien trop expérimenté pour se lancer dans des hypothèses en abusant du conditionnel, Craig MacTavish embrasse le rôle de vieux sage. «Tout se joue entre les deux ronds d’engagement en zone d’attaque comme en zone de défense. Il faut parvenir à créer le danger à cet endroit dans le camp adverse et à savoir défendre cette partie lorsque tu es dans ton camp. Lorsque le premier match des play-off arrivera, on verra si tout ce temps a porté ses fruits.»