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Le «labour day» de Stanislas Wawrinka, un joueur discret en quête de prestige

Le moins connu des «top ten» défie Andy Murray pour un premier exploit.

Après six mois dans le top ten, Stanislas Wawrinka établit deux certitudes: une résilience hors norme dans la conduite de sa carrière, et une certaine difficulté à lui donner une dimension singulière, voire marquante. S'il fallait un bristol ou une grande occasion, s'il fallait affirmer son appartenance à un gotha et survivre aux méandres de la mémoire sélective, voici peut-être, alors, le D-Day d'un joueur méritant, opposé à un premier de classe précoce, Andy Murray, ce lundi en huitième de finale de l'US Open.

«Cette fois, l'enjeu dépasse nos standards»

«Je suis impatient, affirme Stanislas Wawrinka. En dehors du court, Andy et moi sommes de bons amis. Nous avons disputé de beaux duels, intenses et serrés. Cette fois, l'enjeu dépasse nos standards: nous luttons pour une place en quart de finale d'un Grand Chelem.»

Lui qui s'épanouit à son rythme, discrètement, sera toisé par une Amérique «trop grande et m'as-tu-vu» à ses yeux, dans l'effervescence hiératique du «labour day». Lui qui manifeste des inhibitions face à l'exploit sera attendu au rendez-vous des matches qui comptent; un grand court, une grande occasion, pour une première victoire de prestige: le test grandeur nature d'un «top ten» homologué, mais pas encore adoubé.

Le titre olympique ramené de Pékin récompense, sans vraiment majorer, des talents mésestimés, cultivés dans l'ombre, sur une terre de labeur, avec une opiniâtreté farouche. «Stan» Wawrinka, graine de champion jaillie d'un coin de terroir, au bord d'une rivière appelée le Talent, à 180 km du plus grand joueur de l'histoire, est numéro dix mondial, mais personne n'a l'air au courant: cinq journalistes étrangers en salle de presse, huis clos non sollicités à l'entraînement, court No 11, samedi à midi tapant, aux côtés d'une terrasse bruyante.

La victime du jour, Flavio Cipolla, 140 km/h de moyenne au service, n'a pas manifesté davantage de respect: «Wawrinka ne dit pas bonjour, et montre un comportement incorrect. Je n'ai pas accepté qu'il crie «come on» sur une double faute, ni qu'il imite mes boitillements. Il est le deuxième adversaire, en dix ans de carrière, auquel je refuse de serrer la main.»

Murray l'enquiquineur

A l'intelligence roublarde de Flavio Cipolla, distributeur automatique de revers coupés, Stanislas Wawrinka a répondu par 88 fautes directes, 51% de premiers services, et une ténacité caractéristique (5-7 6-7 6-4 6-0 6-4). «Mon adversaire a imposé un style de jeu particulier, destiné à casser le rythme. J'aurais pu perdre mes nerfs. Or, j'ai su rester positif.»

Dans un même registre d'enquiquineur, Andy Murray portera le niveau d'exigence à d'autres stratosphères. L'Ecossais a le coup d'œil, le toucher et la science manœuvrière «d'un futur vainqueur de Grand Chelem», prédit John McEnroe, dont le regard éclairé devine «un ciel sans limite». Le service est lunatique, certes, mais il est à la mesure des mécanismes complexes qui l'actionne: «Angry» Murray n'est pas un jeune sage, et ne deviendra pas davantage un fleuron britannique, un triste Sir.

Appelés à briller

Lui qui s'épanouit dans le baroud, caractère difficile planqué sous des bouclettes mordorées, a vite trouvé, dans ces odeurs de fritures et cette cohue bruyante, une exubérance à sa mesure, un écho à ses exhortations bruyantes. «Come on», rugit l'effronté. «Yeaaaaaaaah», lui répond la chambrée. «Osmose totale», constate la presse britannique, mortifiée.

Ce n'est pas le style de Stanislas Wawrinka, dont quelques médias étrangers, désormais, explorent les pensées profondes. En pleine lumière, le verbe fleurit mal et le regard, souvent, s'effarouche. Mais tous les «top ten», à un moment ou à un autre, sont appelés à briller.