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L'ASF met les clubs qui trichent sous surveillance

L'instance faîtière du football suisse fait des contrôles dans les équipes dont les entraîneurs n'ont pas les licences requises. Neuchâtel Xamax et Sion sont de celles-là. Pire: leurs entraîneurs sont Français. Or, d'après la convention de l'UEFA, les coachs tricolores n'ont pas le droit d'officier à l'étranger. Les clubs disent appliquer les bilatérales

Cela ressemble à un dialogue de sourds. Le désaccord qui oppose Neuchâtel Xamax et l'Association suisse de football (ASF) à propos de l'engagement du Français René Lobello au poste d'entraîneur soulève une question plus large, sur la valeur légale du règlement appliqué par l'ASF et le comportement des clubs qui contournent le règlement.

Pour l'instance faîtière du football suisse, la nomination du coach tricolore en remplacement de Claude Ryf (lire LT du 24. et 25.02.04) au sein du club neuchâtelois pose problème à deux niveaux. Non seulement, René Lobello n'est pas en possession de son diplôme UEFA pro, exigé pour entraîner en Super League, mais en plus il a le défaut d'être Français. Or la France s'étant retirée de la convention de l'UEFA l'été dernier, les diplômes de ses ressortissants ne sont plus reconnus par les pays qui en font encore partie, dont la Suisse. La faute à Guy Roux, manager d'Auxerre, qui, souhaitant que seuls les entraîneurs français puissent exercer au plus haut niveau dans l'Hexagone, a fait le forcing pour que la Fédération française de football (FFF) se retire de la convention. Par mesure de rétorsion, les autres fédérations ont décidé de ne plus accepter les services de techniciens français. C'est là-dessus que s'appuie l'ASF pour contester l'arrivée de René Lobello à Xamax.

Le club de la Maladière a jusqu'au 15 mars pour trouver une solution. «Si la solution apportée n'est pas conforme au règlement, nous soumettrons le cas à la Commission pénale et de contrôle, la seule habilitée à prendre des mesures – allant de l'amende financière à l'interdiction de jouer en championnat – contre un club qui enfreint les règles, prévient Dany Ryser, responsable de la formation à l'ASF. Et d'ajouter: «Je ne vois pas Monsieur Lobello rester entraîneur principal.» Ce à quoi Alain Pedretti, le président de Neuchâtel Xamax, rétorque: «Eh bien, René Lobello sera adjoint. C'est ridicule. On va simplement nommer un autre entraîneur. Mais on sait très bien qui décidera de qui entre et sort sur le terrain. Monsieur Lobello sera conseiller technique.»

Pas si simple, dit-on à l'ASF, agacée de voir les clubs contourner allègrement le règlement et décidée à renforcer la surveillance. «Pour nous, il est clair que l'entraîneur principal est celui qui dirige les entraînements et les réunions de l'équipe, qui assure le coaching pendant le match et qui répond à la presse, martèle Dany Ryser. Et nous effectuons des contrôles.» Cet argument n'impressionne guère davantage Alain Pedretti, qui reconnaît toutefois que c'est la France qui est responsable de cette situation absurde: «A avoir voulu trop protéger les entraîneurs français, Guy Roux les prive de travail à l'étranger. Cela dit, je le répète, personne ne pourra interdire à René Lobello, en tant que conseiller technique, de suggérer des décisions à l'entraîneur. On l'a bien vu avec le FC Wil dimanche dernier. L'entraîneur était dans les tribunes et celui qui a le diplôme était sur le banc. Or, au lieu de regarder le match, il se tournait vers l'entraîneur pour lui demander ce qu'il fallait faire.»

Appelé à réagir sur ces remarques du président de Neuchâtel Xamax, Dany Ryser prévient tout d'abord que René Lobello ne sera pas davantage autorisé à occuper le poste d'adjoint: «Pour être assistant en Super League, il faut être en possession d'un diplôme 1. Or, s'il l'a, nous ne pourrons reconnaître celui de René Lobello puisque les diplômes français ne sont pas valables. Quant au FC Wil, ils ont obtenu, comme Xamax, un délai pour trouver une solution. Le problème avec Tomasz Matejcek (ndlr: le nouvel entraîneur) n'est pas une question de diplôme, mais le fait que le canton de Saint-Gall lui a interdit de travailler en Suisse.» Et d'ajouter, un brin désabusé: «Normalement, nous nous occupons des aspects techniques. Mais en ce moment, nous jouons davantage à la police!»

Cette attitude autoritaire de l'ASF – qui a également placé le FC Sion sous haute surveillance depuis que le Français Didier Tholot est censé n'occuper plus que le rôle de joueur – agace profondément Christian Constantin, dont les rapports avec l'instance faîtière du football helvétique ont toujours été houleux: «Les accords bilatéraux qui prévoient la libre circulation des travailleurs s'appliquent pour tout le monde, pour les professions du football comme pour les menuisiers. A partir du moment où l'on accepte les travailleurs de la Communauté européenne, on ne peut pas refuser les Français. Si l'ASF prend des mesures contre Xamax et que l'affaire va devant un tribunal, Xamax aura gain de cause.» C'est ce même argument qu'avance Me Freddy Rumo, chargé par le club neuchâtelois de résoudre le cas de René Lobello. Or, Dany Ryser affirme que le règlement de la convention de l'UEFA a valeur légale puisqu'il repose sur le «droit de l'Union européen».

L'UEFA, de son côté, explique que la convention a été mise en place pour faciliter les échanges d'entraîneurs entre les pays et pour établir certains standards au niveau de la formation en Europe. «La FFF ne fait effectivement plus partie de la convention. Dans ce cas, les échanges ne peuvent être facilités, précise Romain Vez, porte-parole de l'UEFA. C'est donc à l'ASF de juger si un entraîneur répond aux critères exigés par le règlement suisse pour ce corps de métier.»