Comment les jeunes athlètes se sont-ils approprié les espaces du spectaculaire village olympique lausannois? La photographe Christiane Nill y a promené ses objectifs durant plusieurs jours pour le savoir
Un Colisée réchappé de l’antiquité romaine: ce fut la première impression que Christiane Nill eut en approchant le Vortex. «Le bâtiment est très rythmé dans sa construction. Quand on y arrive dans la nuit, avec tous les drapeaux qui sont mis en avant, c’est presque comme si l’on s’approchait d’un stade», image la photographe. Très intéressée par le dialogue entre architecture et vie humaine, elle a passé, pour Le Temps, plusieurs jours à scruter la manière dont les jeunes athlètes de Lausanne 2020 se sont approprié leur village olympique.
Jamais auparavant toutes les délégations d’une édition des JO, qu’ils soient de la jeunesse ou non, ne s’étaient retrouvées réunies dans un seul et même édifice. De forme circulaire, le Vortex peut accueillir quelque 1000 résidents au sein de ses 712 unités de logement, toutes reliées par une seule et même rampe de 2,8 kilomètres. Et près de 2400 mètres carrés d’espaces communs appellent à vivre ensemble.
En confiance
Les jumeaux gruériens Thomas et Robin Bussard y ont passé une semaine. Le temps de gagner deux médailles chacun lors des épreuves de ski-alpinisme, et de bien s’imprégner de l’esprit des lieux. «C’est une expérience très intéressante de vivre avec les représentants d’autres nations comme d’autres sports», lance le premier. «Nous avons souvent été au café installé dans la cour intérieure pour rencontrer de nouvelles personnes», complète son frère. Il est temps pour eux de faire leurs valises. Il faut laisser la place à la deuxième vague de jeunes athlètes, ceux qui seront engagés dans les compétitions au programme jusqu’à mercredi.
Pendant la journée, alors que des épreuves se déroulent du Jura français aux Alpes vaudoises, le Vortex se vide. «C’est très calme, remarque Christiane Nill. L’animation reprend vers 16 heures, quand tout le monde revient.» La photographe s’est alors amusée à guetter les rencontres. «J’ai remarqué que tout le monde, ici, est très ouvert. La confiance règne. Certains se déplacent toujours en groupe. On voit aussi des amis inséparables, qui ne représentent parfois pas le même pays.» Mais la vie du village n’empêche pas de rester connecté avec le monde extérieur. «Il est très frappant de voir que presque tous les jeunes sont crochés sur leur téléphone portable», souligne-t-elle.
De la cour centrale, on peut voir des gens faire leur footing dans les étages, côté intérieur ou extérieur, en longeant les chambres. «Les uns passent devant les fenêtres des autres. C’est super du point de vue de la vie en communauté, mais cela n’est pas sans conséquences pour l’intimité», fait remarquer Christiane Nill.
La chasse aux pin’s
Robin Bussard assure qu’il n’a «rien de négatif» à dire du Vortex et de son fonctionnement. Un responsable de délégation a toutefois glissé à Christiane Nill que dans un tel contexte appelant au partage, garder les jeunes athlètes concentrés sur leurs objectifs sportifs est un défi. Il y a l’animation, le bruit, la musique, les activités éducatives proposées.
«Les jeunes adorent, sourit-elle. Ceux qui pensent à leurs résultats voient davantage tout cela comme des distractions potentielles. Il y a un côté camp de ski poussé à l’extrême.» Un bénévole passe par là et rigole: «Après les JOJ, le Vortex accueillera des étudiants. Pour organiser des fêtes, ce sera l’endroit parfait. Et c’est à ça que servent les études, pas vrai?» En attendant, l’alcool est interdit sur le site et le couvre-feu est fixé à 22 heures.
Au fil des prises de vue, Christiane Nill a fini par observer qu'au Vortex, «l'architecture, très forte, a tendance à écraser l'humain». Le bâtiment reste néanmoins au service de ses résidents. Au rez-de-chaussée se succèdent un centre médical, un espace dédié à une approche scientifique des performances ainsi que des lieux de sensibilisation à différentes thématiques susceptibles d’avoir un impact sur la carrière des jeunes sportifs. Ils en profitent… s’ils en ont le temps, et s’ils le souhaitent. Certains préfèrent s’adonner à une discipline olympique séculaire: l’échange de pin’s de tous les pays. «C’est incroyable de voir à quel point cette activité marche», sourit la photographe. Elle a elle-même terminé son reportage avec une épinglette offerte par un membre de la délégation danoise.