Pour l'écurie suisse de Formule 1, créée par Peter Sauber et dont les débuts remontent à 1993, l'heure est maintenant venue de gagner le respect. A l'orée de la saison 2001, après avoir disputé 129 Grand Prix, les monoplaces de Hinwil avaient fini par faire partie du décor de la F1, mais sans vraiment convaincre sur le plan sportif. Pourtant, vivoter à ce niveau de la compétition revient à doucement s'éteindre jusqu'à disparaître. Peter Sauber aime sans doute prendre son temps pour bien faire les choses, mais cet homme pragmatique a maintenant compris qu'il lui fallait dynamiser son équipe pour en assurer sa survie. Mieux, il devait provoquer un électrochoc. Celui-ci est intervenu pendant l'hiver. A son habitude, et sans faire de bruit, Sauber a conclu un accord commercial de première importance avec le Credit Suisse. Ce partenariat lui a permis de renforcer ses structures et de modifier son organigramme technique. Il en a profité pour recruter des ingénieurs et des techniciens, au total une trentaine de personnes, tout en sachant que ses pilotes ne lui coûteraient pas cher en 2001.

Car Peter Sauber, plutôt réputé pour son extrême prudence, a dans ce domaine tenté un pari qui n'est pas sans risques. N'ayant pas les arguments (techniques et financiers) pour attirer un pilote de pointe chez lui, comme cela avait été le cas avec Jean Alesi en 1998 et 1999, le manager suisse a jeté son dévolu sur deux jeunes pilotes prometteurs, mais manquant d'expérience. Dans un premier temps, il a engagé l'Allemand Nick Heidfeld, qui a fait son apprentissage chez Prost l'an dernier, sans convaincre. Il est vrai que celui qui était alors le champion sortant de la Formule 3000 ne possédait pas avec la Prost-Peugeot une monoplace capable de mettre ses qualités en évidence.

Mais la surprise est venue du nom du deuxième pilote choisi par l'homme au béret. Lorsque Sauber a évoqué Kimi Raikkonen, la plupart des observateurs ont tendu l'oreille, incrédules. Sans doute encouragé par l'exemple de Jenson Button, qui s'est avéré être la révélation de la saison 2000 avec une expérience minime en monoplace, Peter Sauber s'est dit qu'un pilote de 21 ans, avec pour simple expérience de la course quelques années en karting et un passage remarqué en Formule Renault n'avait pas besoin de sacrifier son temps en Formule 3 et encore moins en F3000. La FIA a tout de même demandé à juger sur pièce et n'a délivré la super-licence de Raikkonen qu'à titre provisoire. Le dossier du jeune Finlandais sera définitivement étudié après quatre courses. Mais au vu du sans-faute réalisé en Australie, il ne fait guère de doute que Peter Sauber a déniché là une perle rare dont la valeur marchande va probablement décupler d'ici à la fin du championnat.

Encouragé par les performances de ses deux jeunes pilotes boutonneux, le patron de l'écurie Sauber peut désormais se concentrer sur la reconstruction de son équipe d'autant que son associé de toujours, Fritz Kaiser, dont la société basée au Liechtenstein était en charge du marketing, a pris ses distances vis-à-vis de la F1. Outre le Credit Suisse, l'écurie profite toujours de la manne versée par la société malaise Petronas. Grâce à ce relatif confort financier, Peter Sauber a demandé à son directeur technique, Willy Rampf, d'éliminer ce défaut qu'avaient ses hommes de mettre sur la piste des monoplaces relativement performantes, mais qu'ils étaient incapables de développer au fil des Grand Prix. Désormais, Sauber Petronas dispose d'une équipe «bis» chargée de la recherche et du développement.

Cette année encore, la nouvelle voiture d'Hinwil, toujours propulsée par le moteur V10 Ferrari (champion du monde), s'avère performante et fiable. Et pour l'instant, la comparaison avec l'équipe Prost Grand Prix, dont les voitures sont elles aussi propulsées par le moteur italien, mais chaussées de pneus Michelin, est très favorable à l'équipe suisse. Après avoir marqué ses premiers points dès l'ouverture du championnat, l'écurie de Peter Sauber affiche ses ambitions. Selon le Belge Jacky Eeckelaert, qui est l'un des ingénieurs de course du team Sauber, le trio formé par Ferrari, McLaren et Jordan est pour l'instant intouchable et risque de le rester au cours de la saison. C'est donc une place au pied du podium que visent Peter Sauber et ses hommes. Pour cela, les voitures de Nick Heidfeld et de Kimi Raikkonen devront régulièrement faire un peu mieux que les Williams-BMW, les BAR-Honda, ou encore les Prost-Acer, Benetton-Renault et autres Jaguar-Ford. Un objectif enfin ambitieux.