En vidéo. Kilian Jornet en pleine descente du Cervin. En 2013, il a effectué l’ascension et la descente du sommet suisse, soit près de 4500 mètres de dénivelé, en 2h52.
Déjà respecté dans le milieu du ski-alpinisme, l’Espagnol est devenu le grand ambassadeur de la course de montagne version XXIe siècle. Ce sport, il est en train de le façonner. Il en trace les contours et chaque jour en repousse les limites. «La montagne est la toile blanche et moi le pinceau qui dessine sans suivre une quelconque norme.»
L’autre Kilian est un romantique. En courant, il cherche à séduire la montagne. Ses courses sont des danses nuptiales. Pas après pas, il tente de la conquérir. Il la sait bien plus forte que lui, mais le sentiment de liberté que ses cimes lui offrent est une ivresse dont il ne se passerait pour rien au monde. «Courir ou mourir», écrit-il en titre de sa biographie. Sur les arêtes, au-dessus du vide, il vole. Le risque qu’il prend, il le contrôle. Pour mieux embrasser sa quête, il accélère pour en voir plus. Les façons de l’aborder sont infinies mais il veut toutes les découvrir. Seul le sommet l’arrête. Il est alors le spectateur de l’union entre le ciel et la Terre. C’est de cette énergie qu’il se nourrit.
■ Anton Krupicka: la nudité du sauvage
Anton Krupicka, c’est l’Homme à l’état sauvage. Il a des poils et il les montre. Cheveux longs, barbe entretenue et toison parfaitement répartie sur le torse. Il court vêtu d’un simple short, très court et d’une casquette vissée sur la tête, visière retournée, pour le style peut-être. C’est tout. Pas de superflu. L’eau, il la boit dans les rivières et pour s’orienter, il regarde le soleil. «En courant, je cherche à me connecter au monde naturel.»
Un plan d’entraînement lui permettrait d’être meilleur, mais ce n’est pas son but. Ce qu’il veut, c’est trouver son bien-être à travers l’introspection que lui offre la course à pied. «Jamais personne ne me dira comment je devrais courir. C’est plus un voyage personnel qu’un but à atteindre. Donc, évidemment, un coach n’a pas sa place dans cette approche.»
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L’américain s’est installé à Boulder, dans les montagnes du Colorado, un lieu réputé pour sa culture sportive et son atmosphère hippie. Il vit dans un petit appartement avec vue sur les montagnes et des tiroirs remplis de chaussures. Il en use une trentaine par an et, parce que c’est un sentimental, il en garde certaines. En souvenir.
C’est un introverti, dit-il. Alors, quand il ne court pas, il se plonge dans les livres qu’il dévore en buvant du café.
Il court depuis toujours, Anton Krupicka. A 12 ans, il finit son premier marathon et parcourt dès lors 300 kilomètres par semaine, en été comme en hiver. Aujourd’hui, à 32 ans, malgré une jambe cassée en 2011, il affiche un palmarès honorable en tête des ultra-trails et des scramblings (compétitions alliant course et escalade) les plus redoutés du Nouveau Monde. En Europe, l’Ultra-Trail du Mont-Blanc lui a résisté. Contraint à l’abandon, en 2013, il tente de prendre sa revanche en 2014, mais est ralenti par le froid et la nuit. Il avait pourtant mis un t-shirt.
■ Nikki Kimball: sauvée de la dépression
Des boucles de feu surmontent un tempérament de braise. Des taches de rousseur parsèment un visage dont les traits oscillent entre euphorie et douleur. Nikki Kimball, c’est un mental d’acier et une sensibilité de porcelaine. Entre les deux, elle caracole.
A 41 ans, sa vie pourrait se diviser en deux: Avant et après la pratique assidue de la course à pied. Pourquoi court-elle? Parce que ça la rend heureuse. Et vivante.
Avant, Nikki Kimball rampait dans le gouffre de la dépression. «Je ne voulais pas vivre, raconte-t-elle. Je ne ressentais rien.» Mais il y a eu ce déclic, courir, repousser ses limites ainsi que les frontières du possible et utiliser la dépression comme une arme secrète plutôt que la subir. «Ma maladie est devenue un immense avantage pour moi en tant que coureuse d’ultra-trail. Elle m’a beaucoup appris.»
Son père la décrit en deux mots: force et détermination. C’est qu’avant la dépression, Nikki a enduré d’autres maux. Elle raconte ses jambes en X à la naissance, son incapacité de marcher, les attelles portées la nuit pour redresser ses membres. Il y a aussi eu cette dyslexie contre laquelle elle s’est acharnée jusqu’à devenir première de classe. Et aussi cette idée fixe de vouloir se mesurer aux hommes. A l’image de son frère et de son père, elle pratique le ski nordique. Chaque course doit être gagnée. «Ce sont ces déboires qui m’ont renforcée, pas mes succès.»
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Elle court et gagne son premier ultra-marathon en 1999. Depuis, elle enchaîne les victoires. Elle remporte l’Ultra-Trail du Mont-Blanc en 2007. Elle bat, en 2012, le record du légendaire Long Trail du Vermont en traversant l’Etat américain du nord au sud (438 km) en 5 jours, 7 heures et 42 minutes. Et en 2014, elle gagne le Marathon des sables, dans le désert marocain. Son secret pour être en forme? Les cheesburgers et les eggs and bacon. Mais surtout, Nikki a la niaque. «Nous les femmes, on vaut la peine d’être vues.» proclame-t-elle.