En fonction des résultats des Tricolores jusque-là, il n'est pas sûr, cependant, que Jacques Santini aligne contre la Suisse son «onze» le plus redoutable. Le sélectionneur va connaître de gros problèmes de calendrier pour préparer cet Euro. Le Championnat de France se terminera le 23 mai, soit plus d'une semaine après l'Angleterre. De plus, un match de gala (France-Brésil) est prévu pour l'anniversaire de la FIFA, le 20 mai. Il rappelle un Corée du Sud-France disputé peu avant la Coupe du monde 2002 pendant lequel Zinedine Zidane s'était blessé. La fatigue accumulée par les Français, a répété Jacques Santini hier, avait été l'une des causes de leur élimination précoce en Asie.
L'état d'esprit dans lequel les Suisses affronteront les ex-champions du monde dépendra de leurs matches initiaux. Le premier, disent les joueurs, sera décisif. En clair: il faudra battre la Croatie («une équipe vieillissante», selon Michel Pont) pour se qualifier. La demi-finale de 1998 est loin pour les Croates. Le saut générationnel imposé par la guerre se fait sentir. Ceux qui devaient prendre la relève des Davor Suker et autres Allen Boksic n'ont pas l'assurance de leurs aînés. De l'ombre de ces héros nationaux n'a pas encore émergé une cohérence sans faille. Otto Baric, le sélectionneur, le sait bien. Selon lui, le groupe B est fait de «deux équipes plus fortes que la Croatie et d'une de niveau équivalent». A la Suisse de lui prouver qu'il a tort.
La Grande-Bretagne n'est pas l'Irlande, éliminée par les Suisses. Sven-Goran Eriksson a affiné le jeu d'une sélection qui n'a rien gagné depuis son titre mondial de 1966. Michel Pont la considère comme «un rouleau compresseur physique et technique».
Le Genevois est flatteur. La venue du Suédois à la tête de l'équipe montrait que la Fédération anglaise était consciente que la générosité, les grandes balles en avant et les tacles appuyés, en un mot le kick and rush traditionnel, ne suffisaient plus au niveau international. L'intuition était juste: les entraîneurs étrangers ont dû révolutionner les clubs anglais pour les rendre performants en Europe. Sven-Goran Eriksson n'a pu qu'entamer cette révolution. David Beckham et Michael Owen sont des talents éclatants, mais l'ensemble, encore mal dégrossi, accuse des lourdeurs.
Dans les autres groupes, l'un des grands moments de ce premier tour promet d'être l'affrontement entre le Portugal et l'Espagne, le 20 juin à Lisbonne. La présence du grand cousin ibérique dans le groupe du pays hôte a été accueillie avec des applaudissements au pavillon Atlantico.
«Selon moi, c'est le groupe D le plus relevé.» Sven-Goran Eriksson a enlevé les mots de la bouche de tous les observateurs. Après avoir exprimé son respect envers ses adversaires directs (il a tout de même avoué qu'il n'avait pas vu jouer la Suisse depuis très longtemps), le Suédois a osé ce jugement sur le groupe qui réunit la République tchèque, l'Allemagne, les Pays-Bas et la Lituanie. Les Tchèques pratiquent actuellement, avec la France, le football le plus beau et le plus efficace du continent. Les Hollandais ont prouvé dans les barrages contre l'Ecosse (terrassée 6-0 au match retour) que, lorsqu'elle arrive à contenir ses querelles internes, elle brillait de mille feux. Et les Orange prennent un malin plaisir à faire déjouer les Allemands.