Londres 2012, médaille d’or des JO
BILAN
Ces Jeux auront été ceux de l’efficacité et de la simplicité. Sites, transports, bénévoles, la capitale anglaise a assuré dans tous les domaines. Mieux, elle a su préserver son environnement tout en repensant son urbanisme
Ces Jeux se sont terminés comme ils avaient commencé. Par une cérémonie très «british», sans artifices à outrance, un brin excentrique et puisant dans la richesse d’un registre musical unique et inégalé, réflecteur de l’identité polymorphe des Britanniques. Un vaste concert en plein air pour rythmer une entrée des athlètes à l’unisson, rompant avec le traditionnel et fastidieux défilé ordonné, nation par nation. Londres 2012 a tiré sa révérence en dansant.
A l’heure où s’éteint la flamme s’allume le feu des questions sur le degré de réussite d’un événement planétaire, au coût faramineux de 12 milliards de livres (18,4 milliards de francs), appelé à laisser un héritage conséquent, sur le plan économique, social et moral. C’est ainsi que l’ont voulu Lord Sebastian Coe, patron du comité d’organisation (Locog), et Jacques Rogge, dont ces Jeux 2012 portent aussi la signature. Le président du CIO avait insisté sur la promesse faite par le Locog de ne pas aspirer à l’éclat éphémère, mais à une valorisation à long terme des investissements consentis: «Pour chaque livre sterling dépensée pour l’infrastructure, 75 pence étaient destinés à l’héritage. Cette initiative a contribué au financement de la transformation radicale d’une immense partie de l’est londonien, autrefois une décharge contaminée et négligée, en un somptueux Parc olympique qui sera converti après les Jeux en un quartier durable et innovant qui offrira des emplois, des logements, des écoles et des activités de loisirs. Six des huit sites permanents ont déjà trouvé des locataires pour la période post-olympique, ce qui est déjà une réussite majeure en soi.» Quinze jours plus tard, Jacques Rogge a clôturé les festivités en déclarant Londres 2012 comme les «meilleurs Jeux jamais organisés». Lord Coe a fait écho à ces louanges en insistant sur la notion d’héritage: «Je pense que nous pouvons nous mesurer à Barcelone et dire que, dans les deux cas, les Jeux ont transformé la ville en profondeur. Sur les huit équipements permanents construits à Stratford, seuls deux en effet ont un futur incertain: le stade, pour lequel un appel d’offres a été lancé, et le centre de presse, qui devrait devenir un centre d’affaires si l’horizon économique s’éclaircit.»
Seul le temps permettra ou non de leur donner raison. Pour l’instant, une seule certitude, ces Jeux, quelle que soit l’empreinte qu’ils laisseront, furent une réussite. Un sentiment inévitablement teinté de subjectivité, nourri par une expérience olympique qui a commencé à Sydney.
Les sites
Ces Jeux ont dégagé une sensation visuelle d’unité et d’harmonie. Pendant quinze jours, la capitale anglaise a revêtu le costume olympique avec élégance. Elle a su valoriser son patrimoine historique et faire de certains de ses monuments de somptueux sites éphémères. Comme le château de Hampton Court qui a accueilli l’arrivée des cyclistes lors du contre-la-montre. Ou encore l’improbable terrain de beach-volley brillant de tout son sable au pied de la Horse Guard’s Parade. Hyde Park, avec ses pelouses et son lac, a offert un théâtre idyllique au triathlon et un stade saisissant pour les épreuves de natation en eau libre. Greenwich a régalé les amateurs d’équitation. London Bridge a fièrement exhibé ses anneaux valorisant les nouveaux quartiers branchés qui se nichent depuis quelques années sur la rive sud de la Tamise. Wimbledon pour le tennis, Wembley pour le football, The O2 pour la finale de basket, Londres a été exploitée dans son intégralité. Et de nombreux sites vont être démontés pour être recyclés ailleurs. Le pavillon de basket (qui a accueilli tous les matches sauf la finale) devrait être récupéré pour Rio 2016.
Certes immense, le Parc olympique a moins fait qu’ailleurs l’effet d’un impersonnel no man’s land. Et on l’imagine assez facilement prendre vie avec les cinq nouveaux quartiers appelés à naître à cet endroit. Il est question de 8000 logements, dont 35% à caractère social, d’ici à vingt ans. Ce en plus des 2800 appartements déjà construits au village des athlètes.
Les transports
Les oiseaux de mauvais augure tablaient sur une situation cauchemardesque. Les transports, disaient-ils, seront la plaie de Londres 2012. A l’inverse, ils furent quasi sans faille. Comparables à l’efficace dispositif de Pékin. Le smog en moins. C’est surtout la qualité de l’offre de transports publics qu’il faut souligner. Un vrai petit miracle. On annonçait un métro saturé. Il ne le fut pas plus que d’habitude aux heures de pointe. Pour avoir rallié, ventre à terre, à deux reprises, le stade au quartier de Soho, en plein cœur de la ville, via la «Central line», en fin d’après-midi à l’heure du retour des foules du jour, on peut témoigner de l’incroyable fluidité du mouvement. En une demi-heure on y était. Idem pour la «Javelin line», train express inauguré spécialement pour ces Jeux. Il permet de rallier en 6 minutes King’s Cross St. Pancras à Stratford, où se trouve le Parc olympique. Et là encore, même au plus fort de la vague des 80 000 spectateurs, ça n’a jamais bouchonné, ni bousculé au portillon. On prédisait un aller et retour Londres-Wimbledon interminable. Il n’en fut rien. Ni par la route ni par le rail.
Londres, plombée à longueur d’année par la congestion, n’a finalement pas pâti de ces flux supplémentaires de visiteurs. Et, pour une fois, la cohorte des accrédités n’a pas eu cette désagréable sensation de vie clanique, parallèle au monde réel. On pouvait se mélanger en tout temps à la population.
L’engouement populaire
Il faut remonter à Sydney 2000 et à l’euphorie d’Australiens élevés dans l’amour du sport pour retrouver pareille ferveur. Là-bas, aux antipodes, les sites ne désemplissaient pas et la population vibrait même au-delà des enceintes des stades. On entend encore résonner les clameurs s’élevant de Circular Quay lorsque, assises au pied d’écrans géants, les foules acclamaient les exploits de Ian Thorpe, l’icône des bassins. Il paraît que, samedi, Piccadilly a vécu la même hystérie lorsque Mo Farah a signé son doublé historique (5000 et 10 000 m) et que la Jamaïque d’Usain Bolt est allée cueillir or et record au bout d’un relais 4 x 100 m supersonique.
A l’exception de la fausse note des premiers jours, où quelques places VIP sont restées vides devant les caméras du monde entier, ces Jeux ont fait carton plein. Les gens se sont déplacés en masse et en famille. Dans les stades ou le long des routes du vélo, du marathon et du triathlon. Portés par un engouement sans précédent pour les athlètes britanniques qui ont fait une moisson de médailles supérieure aux attentes. «Go Team GBR! On devient comme les Américains», nous confiait un ami anglais au moment de se rendre à Hyde Park pour la natation en eau libre avec sa fille de 5 ans, et surpris de se découvrir un enthousiasme qu’il n’aurait pas soupçonné. Un autre ami nous a avoué «adorer croiser ces foules bigarrées sur le chemin du bureau». De l’homme de la rue aux volontaires, la population a montré son plus beau visage. «So british».