Le Temps: Cinq ans après la première édition, à Glasgow et Berlin, comment se présentent ces deuxièmes European Championships?
Marc Jörg: Il y a cette fois une seule ville et non plus deux, neuf sports au lieu de sept, donc c’est un peu plus compliqué à organiser mais nous avons essayé de rester fidèles à nos principes: ces championnats ne doivent pas être trop chers à organiser, il ne doit pas y avoir de nouvelles constructions. Munich a préparé une petite cérémonie d’ouverture mercredi dans l’Olympiapark, mais ce n’est pas quelque chose que nous exigeons parce que cela engendre souvent des coûts importants. Notre ambition se limite à proposer un événement bien présenté, bien produit, qui mette en valeur les athlètes.
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Il paraît que l’idée de ces Championnats d’Europe groupés vient de la Ligue des champions de football… Comment cela?
Je travaillais à l’UEFA et mon associé Paul Bristow à Team AG [l’agence marketing de l’UEFA] au moment de la création de la Ligue des champions en 1992. Le football connaissait déjà la Coupe d’Europe des clubs champions mais cette nouvelle formule a eu un succès faramineux. Nous avons alors compris deux choses: d’abord que le football était à part des autres sports, mais que ceux-ci, si on leur permettait de se structurer autour d’une image forte, pouvaient également se développer. Nous avions la conviction de l’utilité de créer une plateforme qui permette aux sports qui doivent faire face à beaucoup de problèmes de les régler ensemble. Nous avons réfléchi, et en 2011 nous avons proposé un concept aux fédérations européennes.
Comment travaillent-elles avec une société privée comme European Championships Management Sàrl?
Vous devez bien comprendre qu’au début, nous étions juste deux associés avec une idée. Nous pensions simplement la suggérer aux fédérations, qui l’auraient ensuite mise en pratique sous la forme d’une association. Mais, si l’idée plaisait, personne ne voulait se lancer. Alors on l’a fait nous, ce qui impliquait de créer une société. Nous avons un contrat avec chaque fédération sportive intéressée. Mais nous sommes tout petits: une douzaine de personnes. Munich 2022, c’est plusieurs centaines d’employés et 6000 volontaires.
Qui organise concrètement ces championnats?
Nous ne nous impliquons pas dans l’organisation des épreuves. Il faut des années pour comprendre un sport, et il est important que chaque compétition soit conforme à ses propres standards, pour que les résultats soient incontestables. Notre rôle, c’est de synchroniser le programme, d’harmoniser les prestations télé, le chronométrage, les statistiques, les médailles – qui sont toutes les mêmes – de manière à avoir l’idée d’un tout cohérent.
C’est important, les médailles identiques?
Lorsque vous suivez un championnat et que vos représentants ne gagnent qu’une médaille en dix jours, c’est long. Mais si on le combine avec d’autres sports, alors cela s’équilibre et c’est beaucoup plus motivant. Nous espérons que 32 à 36 pays remporteront des médailles. Le programme est conçu pour essayer de proposer chaque jour des choses intéressantes pour tous les pays.
Comment le CIO voit-il cela?
Il faudrait le lui demander… J’ai l’impression qu’il reste neutre. Mais pour moi, il n’y a pas de problème: promouvoir les sports olympiques hors période des Jeux ne peut qu’être une bonne chose. Nous ne cherchons pas à faire des Jeux européens et personne n’a besoin de nouveaux événements sportifs; nous agrégeons des événements existants pour leur donner plus d’impact. On fait autre chose que le CIO, on ne recherche pas le prestige mais la visibilité et la durabilité.
Ce discours doit plaire aux villes européennes, qui refusent de plus en plus d’accueillir les Jeux olympiques…
C’est notre sentiment mais il est encore un peu tôt pour le dire. Nous n’en sommes qu’à la deuxième édition, Munich a tout de même 130 millions d’euros de budget. Ce doit être une décision réfléchie.
Où auront lieu les European Championships dans quatre ans?
Nous ne le savons pas encore. Nous sommes en discussion avec plusieurs villes, certaines vont venir en observation à Munich, mais il faut encore prouver, convaincre.
Le golf et la natation, qui étaient présents à Glasgow, ont quitté le programme, et l’athlétisme devrait partir aussi après Munich…
Chaque sport est un univers, avec chacun sa dynamique, ses besoins. Nous avons découvert qu’ils se connaissaient très peu entre eux. Aujourd’hui, nous avons des réunions communes tous les trois mois, mais après chaque édition il faut recréer un consensus. Ce n’est jamais acquis. Comme Suisse, je sais combien la démocratie et le fédéralisme sont exigeants au quotidien… Mais notre meilleur argument, c’est l’impact en termes de visibilité. A Glasgow et Berlin, nous avons cumulé 850 millions d’heures de programmes regardés sur des chaînes en clair. Il y a des variations selon les sports et les pays, mais en moyenne l’audience de ces sports a plus que doublé depuis la création des European Championships.