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La marche athlétique, en perte de vitesse, espère faire du walking son cheval de Troie

Le 39e Tour de Romandie a adopté la formule des étapes urbaines pour se rapprocher du public. Peu spectaculaire, ce sport permet pourtant d'étonnantes performances.

Question pour un champion: dans quels pays la marche est-elle un sport majeur? Réponse: en Europe de l'est, et particulièrement dans les pays baltes. Sur les 71 participants, femmes et hommes, au 39e Tour de Romandie à la marche qui s'est achevé hier à Estavayer-le-Lac, pas moins de treize athlètes lettons ou lituaniens étaient inscrits. Trois fois plus que les Suisses, au nombre de quatre. André Chuard, historique président de ce Tour, juge cependant cette quantité honorable, comparée au nombre de licenciés helvétiques: entre 100 et 120, pratiquement tous Suisses romands. Depuis plusieurs années, la marche déserte petit à petit nos contrées. Tant au niveau du nombre de pratiquants qu'à celui des épreuves organisées. Le Tour de Romandie est ainsi la dernière épreuve par étapes en Europe. Sport difficile techniquement et physiquement éprouvant, son principe est fort simple: la seule contrainte consiste à garder en permanence un pied en contact avec le sol, faute de quoi il est considéré que le marcheur court.

C'est donc dans un esprit de reconquête qu'André Chuard a décidé de n'organiser qu'une seule étape en ligne, sur les huit qu'en compte ce Tour. Les sept autres sont des boucles à effectuer à plusieurs reprises dans les localités, «afin d'animer les agglomérations et de permettre aux spectateurs de voir passer plusieurs fois les concurrents». Seul défaut de cette formule par ailleurs bien accueillie, le petit nombre de marcheurs fait se côtoyer des athlètes ayant participé aux Jeux olympiques et des anonymes, ce qui nuit à la visibilité de la course. Les meilleures femmes doublent ainsi allégrement plusieurs de leurs homologues masculins. De même, vingt minutes après l'arrivée du vainqueur du prologue, des marcheurs haletaient encore dans les rues de Carouge.

Joël Olivier, coach du groupe France sur ce tour, propose une explication à ce manque d'engouement: «la société actuelle offre beaucoup de confort. Il n'existe plus de stress pour survivre. Or, l'homme a besoin de montées d'adrénaline. Il les recherche donc à travers les sports dits extrêmes, qui procurent une satisfaction rapide au terme d'un effort bref. Tout le contraire de la marche.»

La marche accélérée

Celle-ci espère donc profiter de l'essor du walking. En d'autres termes, de la marche accélérée. Cette discipline existe depuis trois ans en Suisse romande, et connaît un réel succès aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et dans une moindre mesure en France. Les clubs, qui proposent des sortes de parcours Vita, se multiplient. Plusieurs personnes âgées, qui ne courent plus que difficilement, ont déjà adopté cette pratique. D'autres, plus jeunes, suivent le mouvement. «Lorsqu'on court mal, explique André Chuard, on endommage sa santé. Le walking évite ce risque, tout en permettant la poursuite d'une pratique sportive. La marche athlétique récupère par ce biais des sportifs.» Autre atout, l'absence de compétition. «Cela correspond bien à la mentalité actuelle, qui rejette l'idée de compétition. La tendance est aujourd'hui au dépassement de soi-même, remarque Joël Olivier. Cette idée est néanmoins un leurre: dans les grandes randonnées de walking aux Etats-Unis, qui réunissent parfois entre 5 et 10 000 marcheurs, la plupart tentent de finir en tête. La découverte de ses capacités physiques provoque des besoins, comme celui d'approcher ses limites et de s'étalonner avec d'autres concurrents.»

Et pratiquée à un haut niveau, la marche permet effectivement d'impressionnantes performances. Le Biélorusse Victor Ginko, recordman du monde sur 100 kilomètres, a remporté le prologue de 20 kilomètres, vendredi à Genève, en 1 heure et 23 minutes. Une moyenne de 14,46 km/h, étonnamment proche de celle réalisée par le recordman du monde du 20 000 mètres en course à pied, qui est de 21,05 km/h.