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Les matches truqués ébranlent la confiance dans les dirigeants du football allemand

Trois arbitres au moins et huit joueurs de deuxième ligue professionnelle seraient impliqués. La Fédération allemande est accusée de passivité dans la lutte contre les paris frauduleux. Dix-huit mois avant la Coupe du monde 2006, les politiques s'inquiètent.

Un scandale comme le foot allemand n'en avait pas connu depuis trente ans. Ce qui apparaissait comme le dérapage personnel d'un jeune arbitre, Robert Hoyzer, tenté d'arrondir ses fins de mois en pariant sur les matches qu'il arbitrait, est en train de se transformer en crise profonde. La Fédération allemande de football (DFB) est même accusée de passivité par le président de la FIFA, Joseph Blatter.

«Des éclaircissements, des éclaircissements», scandait dimanche la presse, ironisant sur le «FC République bananière». Sur les calicots dans les stades, le public persiflait dirigeants et joueurs. «L'image d'un football allemand propre est fortement compromise, et pas seulement à l'étranger», a admis sur ARD, dimanche soir, le président de la Fédération, Gerhard Mayer-Vorfelder. Un peu désemparé, il s'est empressé de promettre que, «pour sauver, ce qui peut encore être sauvé, nous allons faire la lumière sur toute cette affaire, sans rien cacher».

«Nous payons le prix d'une société qui a oublié la solidarité et qui ne vit plus que sur le profit. Même l'idéal du foot a été vendu. Nous avons été naïfs de croire que les tricheries ne se produisaient que dans les autres pays», se lamentait dimanche soir, dans le S-Bahn, un supporter de Hertha Berlin, de retour du match contre Bayern. «Il faudra dix ans pour retrouver la confiance envers les arbitres», a admis le médiateur de la DFB pour les questions arbitrales.

Même les politiques, à l'instar du ministre de l'Intérieur Otto Schilly, sont désormais contraints de descendre dans l'arène pour sauver l'image du sport roi en Allemagne, et rassurer les dirigeants du foot mondial sur la bonne organisation de la prochaine Coupe du monde de 2006. C'est que le président de la FIFA, Joseph Blatter, s'est déclaré choqué, à la fin de la semaine dernière, que «les manipulations aient pu rester dissimulées durant une aussi longue période», mettant indirectement en cause la passivité des dirigeants allemands du football.

Selon la société Oddset, qui gère les paris en Allemagne, celle-ci aurait en effet alerté la Fédération allemande de football dès le 23 août, deux jours après la rencontre, sur des sommes inhabituelles jouées sur la victoire du club de Paderborn, troisième division, contre Hambourg en match de Coupe. L'arbitre était précisément Robert Hoyzer, qui avait sifflé deux penalties douteux et signifié une expulsion contre un joueur de Hambourg, permettant aux «outsiders» de gagner la partie.

La DFB, accuse Oddset, aurait stoppé prématurément l'enquête. La Fédération prétend, elle, n'avoir été avertie que du nombre inhabituel de paris. Lundi, on apprenait que le capitaine de Paderborn, Waterink, avait reçu 10 000 euros «d'un homme qu'il ne connaissait pas, et lui a demandé de faire part à son équipe de ce bonus spécial», selon le président du club, qui a suspendu son joueur.

Révélée le 22 janvier, l'affaire des matches truqués s'est emballée ce week-end. D'abord le jeune arbitre Robert Hoyzer, 25 ans, mis en examen par le procureur, a livré des noms. Vendredi soir, le scandale a pris une tournure spectaculaire avec une perquisition judiciaire au Café King, un établissement proche du Kurfürstendamm, fréquenté par les fans et les joueurs de Hertha Berlin, mais également plaque tournante des paris. Trois arrestations ont été opérées. Le principal organisateur du trafic, le propriétaire du café, déjà soupçonné de blanchiment d'argent par la police, aurait empoché quelque 90 000 euros rien qu'avec la victoire de Paderborn. L'arbitre Robert Hoyzer aurait avoué avoir touché quelque 70 000 euros pour «siffler dans le bon sens» quatre matches, soit entre 5000 et 15 000 euros par rencontre.

Dimanche, trois joueurs de Hertha Berlin, soutenus par leur club, ont démenti avec vigueur toute participation aux manipulations. Selon les enquêteurs, il n'y aurait aucun indice que des joueurs de Bundesliga soient impliqués (LT du 31.01.2005). Selon la Süddeutsche Zeitung, l'enquête aurait révélé l'implication d'au moins huit joueurs professionnels de clubs régionaux d'Allemagne de l'Est, Paderborn, Chemnitz et Dynamo Dresde, et de trois arbitres. L'un d'eux, Jürg Janssen, a été remplacé juste avant le match qu'il devait arbitrer, dimanche, même si, selon la DFB, il ne fait l'objet d'aucun soupçon.

Gerhard Schröder, qui espérait tirer un profit électoral de la bonne organisation de la Coupe du monde, doit déchanter. Son tir très appliqué, que l'on voit sur toutes les affiches, risque de manquer le but. Certes, a promis Otto Schilly, chargé de coordonner l'organisation de l'événement, le gouvernement prépare, en collaboration avec l'économie, une immense campagne d'image pour présenter une Allemagne capable de réaliser de grandes choses, sérieuse, mais aussi gaie et moderne. Désormais, comme au foot, le résultat est incertain.