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Meeting. Athletissima, les dividendes des JO

Repoussé de début juillet à ce soir, le meeting de Lausanne se retrouve coincé entre les JO et deux concurrents Golden League. Situation qui fait plutôt sourire ses responsables. Explications avec l'un d'eux, Pierre-André Pasche.

Athletissima repoussé au 2 septembre, au lieu du sacro-saint début juillet... Une hérésie? Même pas, puisque la chose s'est déjà produite à deux reprises: en 1987, bien que les Championnats du monde de Rome n'eussent eu lieu que fin août - en réalité, personne, y compris le grand timonier Jacky Delapierre, ne se rappelle le motif de ce «différé» -, et en 1998 pour cause de Coupe du monde de football, avec sa finale le 12 juillet au Stade de France.

2008 marque donc la première année olympique où le fameux meeting lausannois prend ses quartiers d'arrière-été. A cause des Jeux de Pékin? Voire. Le principal fondement se nomme Eurofoot austro-suisse, lequel s'est achevé dimanche 29 juin. «On ne peut pas régater contre le ballon rond», admet, lucide, Pierre-André Pasche, qui cumule les fonctions de responsable médias d'Athletissima, consultant pour la TSR et entraîneur de club. «De plus, la TV romande, productrice d'images, délègue quelque 180 collaborateurs sur notre meeting. Au sortir de l'Euro, c'était mission impossible. Enfin, la période traditionnelle d'Athletissima coïncidait cette année avec les sélections américaines en vue des JO. Organiser la manifestation sans les ténors d'outre-Atlantique n'aurait eu aucun sens.»

Deux mois dans la vue, les lendemains d'hier - entendez le dur réveil à l'issue de Pékin 2008 -, problèmes et avantages inédits, raisons et comparaisons, concurrence déloyale ou souhaitable: les considérants du même Pierre-André Pasche.

• Les changements

«D'habitude, Athletissima constitue le premier gros meeting de la saison. Cette fois, nous avons disposé de davantage de temps pour signer des contrats avec les participants. Le fait d'être agendé derrière les Jeux olympiques a également permis de faire venir des champions titrés à Pékin [dix-neuf], dont le monde entier a parlé et que le public veut regarder de près. Je pense franchement que, grâce à cela, nous bénéficions d'un impact supérieur.»

• La concurrence

«Nous sommes un meeting estampillé Super Grand Prix et coincé, cette année, entre deux Golden League (Zurich vendredi passé et Bruxelles celui qui vient). Histoire de ne pas entrer en collision complète avec eux, on n'a pas prévu d'épreuve de demi-fond, sachant que le Weltklasse (8 millions de budget contre 3 à Lausanne) a organisé un 5000 m, qu'un 5000 et un 10000 seront courus à Bruxelles.

»Cela dit, la date de ce mardi me paraît meilleure, neuf jours après la fin des JO, que celle de Zurich. Les athlètes auront eu le temps de digérer les fuseaux horaires, de récupérer et s'acclimater. Ils ne seront pas «cuits».»

• Match Pékin-Lausanne: le climat

«Comme on le sait, il fait nettement moins chaud ici qu'en Chine. Un avantage certain pour les athlètes, sauf si une bise importune se lève sur la Pontaise, cet endroit que les Lausannois appellent les Plaines-du-Loup... Côté taux d'humidité - un inconvénient que les sportifs détestent, tant ils transpirent vite et respirent mal - l'environnement d'Athletissima, plus sain, moins pollué, décroche encore les faveurs.»

• Les pistes

«Elles ont été construites par les plus grands fabricants du moment: Conica à Lausanne, Mondo à Pékin. Les deux sont constituées de matériaux synthétiques aux propriétés quasi identiques: elles résistent aux intempéries, pluie, froid ou fortes chaleurs, et sont à la fois dures et souples. L'épaisseur de leur revêtement, 10 à 12 millimètres, garantit l'élasticité qui restitue l'énergie fournie par l'impulsion du pied. Ainsi le coureur peut-il «rebondir» de manière optimale et garder sa vitesse.

»Les deux pistes, qui atteignent leur rendement maximal sous une température ambiante de 22°, se valent question rapidité. N'avons-nous pas eu, nous aussi, un record du monde du 100 m (9''85 par l'Américain Leroy Burrell le 6 juillet 1994)?»

• La motivation

«Le pic de forme de tous ces athlètes se situe évidemment pendant les Jeux. Encore que les Américains ont déjà dû être au top lors de leurs sélections-couperets, début juillet à Eugene (Oregon). Cela posé, pourquoi un champion «pékinois» se ferait-il mal à Athletissima? Boutade ou argument, je répondrai: pour l'argent. Ces stars sont payées en vue d'assurer le spectacle.

»Bien entendu, je ne nie pas que la décompression post-JO existe. Malgré ça, un champion olympique voudra asseoir sa suprématie au cours des meetings. Je ne vois pas Usain Bolt prendre le départ du 200 m dans un autre but que gagner! Et puis, les grands battus des Jeux ont besoin de revanche. Asafa Powell entendra prouver que sa 5e place en finale du 100 m olympique était un accident. La preuve: deux semaines après sa médaille de bronze aux Mondiaux d'Osaka 2007, il abaissait son record du monde à 9''74.

»Ou encore, le Cubain Dayron Robles, champion olympique et recordman du monde du 110 m haies, n'aurait-il pas une petite idée derrière la tête? Celle consistant à améliorer son chrono planétaire sur la piste où le Chinois Liu Xiang avait établi le sien?»

• Le public

«91000 spectateurs dans le Nid d'oiseau, 14000 au stade de la Pontaise, le parallèle paraît ridicule. Et pourtant... Lausanne offre une proximité, un contact public/athlètes que Pékin n'avait pas. Les compétiteurs apprécient beaucoup la chaleur de ce soutien qu'ils sentent tout proche. De surcroît, j'ose dire que les fidèles d'Athletissima sont des connaisseurs, contrairement aux foules chinoises.»