Dans les mesures covid, le sport professionnel est pris au piège du symbole
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ANALYSE. L’interdiction des grandes manifestations prononcée par les autorités bernoises, bâloises et valaisannes fait craindre le pire à un secteur qui se pensait à l’abri derrière ses concepts sanitaires éprouvés. Mais les grands rassemblements sont redevenus injustifiables

Le sport chérit le statut de symbole qui lui est si souvent prêté. Symbole de paix, quand les deux Corées font trêve pour aligner une équipe de hockey commune aux Jeux olympiques de Pyeongchang. Symbole d’espoir, quand de jeunes gens échappent à la misère en embrassant une carrière professionnelle. Symbole de puissance et de pouvoir, quand des Etats trustent les podiums ou financent des équipes pour gagner en visibilité internationale.
Dans le climat rasséréné de la fin de l’été, le retour au jeu avait aussi, forcément, une valeur symbolique. Mieux que des courbes en baisse sur un graphique, il illustrait la relégation de la pandémie, dont les indicateurs ronronnaient à un niveau acceptable, au rang d’une crise finissante. On pouvait reprendre l’entraînement de judo, reprogrammer la compétition de natation et s’accouder à la main courante du terrain de football du village.
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La menace plane
A compter du 1er octobre, les clubs professionnels ont été autorisés à faire revenir leurs spectateurs par milliers. Mais une vingtaine de jours plus tard, tout s’est effondré. Le nombre de contaminations est reparti exponentiellement à la hausse, suivi de près par celui des hospitalisations. Et soudain, les tribunes bien garnies sont redevenues symboliquement inacceptables. Elles ne préfigurent plus le retour tant attendu à une vie «normale», mais constituent un jeu dangereux avec le virus.
Tout le poids du symbole: comment justifier les grands rassemblements que génèrent les matchs à l’heure où les mesures de prévention s’insinuent de plus en plus profondément dans la sphère privée?
Depuis la reprise, aucun cas de Covid-19 n’a été relié avec le fait d’avoir assisté à un match. Les arènes ont parfois accueilli jusqu’à 10 000 spectateurs mais il faut croire que les concepts sanitaires, établis en bonne intelligence entre les autorités sportives, politiques et sanitaires, avaient été bien pensés. Certains cantons ont pourtant estimé que cela ne suffisait plus, et cela va bien au-delà du symbole. Il y a le problème des rassemblements aux abords des enceintes sportives avant et après le match. La surcharge des transports publics. Et la menace qu’un foyer de contamination fait planer sur des services de traçage et des hôpitaux de plus en plus sous pression.
En attendant les JO de la résilience
Il a été reproché aux autorités bernoises, qui furent les premières ce dimanche à prononcer une nouvelle interdiction des manifestations de plus de 1000 personnes, d’avoir cédé à la panique ou à l’irrationnel. Mais ce mercredi, Bâle a suivi le mouvement et le Valais a frappé encore plus fort. Il n’y aura plus de spectateurs aux matchs à domicile du FC Sion, du HC Sierre, du HC Viège et du BBC Monthey: huis clos strict. Quant aux sports amateurs impliquant des contacts, les revoilà limités dans le canton à la pratique individuelle.
En attendant de savoir si d’autres cantons vont s’en inspirer, cette mesure locale suffit à mettre sous pression les fédérations qui gèrent des compétitions régionales ou nationales mais non professionnelles: que faire des équipes valaisannes qui ne pourront plus s’entraîner, ni disputer de rencontres sur leurs terres? Ce sera un casse-tête. La Swiss Football League et la Ligue nationale de hockey sur glace vont également devoir prendre acte des conditions de travail très inégalitaires de leurs clubs membres. Toutes les grandes questions du printemps sont de retour. Elles se résument en une seule: comment assurer la survie du secteur?
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Le CIO entend encore faire des Jeux olympiques de Tokyo, qu’il a repoussés de cet été à 2021, le symbole de la résilience du monde face à la pandémie. D’ici-là, le sport suisse espère ne pas devenir le symbole d’une économie qui s’effondre.