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Michel Giroud, le saut est dans ses cordes

Vice-champion d'Europe des poids super-légers au milieu des années 1980, le Vaudois de Genève continue de pratiquer l'entraînement préféré des boxeurs: le saut à la corde. Jusqu'à détenir deux records du monde

Michel Giroud, ancien champion de boxe dans son cabinet de sport et santé, Genève, le 16 novembre 2017.  — © Yvain Genevay/Le Matin Dimanche
Michel Giroud, ancien champion de boxe dans son cabinet de sport et santé, Genève, le 16 novembre 2017.  — © Yvain Genevay/Le Matin Dimanche

Certains destins sportifs se sont construits dans des espaces restreints. A l'heure du confinement généralisé et des compétitions à l'arrêt, ils peuvent représenter une belle source d'inspiration

Il est chez lui, en France voisine, où le confinement est pour l'heure plus strict qu'en Suisse. En raison de la pandémie, son institut de massage et réflexologie, qu'il a ouvert il y a trente ans en face de l'aéroport de Genève, est fermé, tout comme l'hôtel qui l'abrite. Il juge bien sûr tout cela «embêtant» et se demande surtout «combien de temps cela va durer» mais il ne s'en fait pas plus que cela. «De toute façon, on est tous dans le même bateau, non?»

A 64 ans, Michel Giroud conserve de ses années de boxe (numéro un européen et sixième mondial en 1984) une ligne de poids welter (sa catégorie en fin de carrière), un équilibre, un aplomb, une capacité à rester calme dans la tempête et à encaisser les coups sans broncher. Il faut dire que, marqué par la vie bien plus que par ses adversaires, il en a vu d'autres et que le ring fut plutôt une échappatoire. Il y découvrit une discipline, un cadre. Et la corde à sauter. «Les boxeurs la pratiquent beaucoup parce que ça fait maigrir et que c'est un sport où l'on se pèse trois fois par jour. Mais c'est surtout un exercice très complet, bon pour le cœur, le souffle, les muscles, la tête.»

Par la suite, il fut professeur de sport à la prison de Champ-Dollon, représentant pour Blacky, la marque de sport culte des années 1990, mais n'arrêta jamais de sauter à la corde. En 1989, il s'attaque à un premier record du monde: celui du plus grand nombre de tours de corde réalisés en une heure. Le record est de 13 931 tours; il le fait voler en éclats dans un sifflement constant: 16 107 sauts en une heure, une moyenne de quatre tours par seconde. Il s'attaque ensuite au record du monde d'endurance, qu'il porte une première fois à 10h29'6'' en 1991 puis qu'il améliore d'une demi-heure (11h00'02'') en 1995. Lors de cette dernière performance, soutenu par un public nombreux, il s'interrompt cinq minutes par heure pour boire et se faire masser. Il perd près de 8 kilos.

Simple, pratique, bon marché et efficace

De tout cela, il se souvient aujourd'hui que ses records lui avaient permis de récolter de l'argent pour des bonnes causes. «La première fois, c'était pour payer un fauteuil à un jeune handicapé. Ça a tellement bien marché qu'on a pu lui en offrir deux: un pour tous les jours et un pour faire du sport! La deuxième fois, c'était en faveur d'une association aidant les femmes battues.» En décembre 1999, il avait prévu d'aider la section ski des paraplégiques de Genève et d'améliorer son record d'endurance à Balexert. Il dut renoncer, victime d'une luxation du genou.

Depuis près d'un an, c'est une autre blessure, à l'épaule, qui l'empêche de dispenser des cours collectifs de saut à la corde dans son institut. «C'est dommage, cela avait beaucoup de succès. Parfois, tout seul, c'est un peu rébarbatif, mais en groupe, avec de la musique et un coach, c'est très stimulant. Et les gens adorent parce qu'ils voient vite des résultats. Le saut à la corde développe une musculature fine, naturelle et harmonieuse.»

En ces temps de confinement, où il faut obéir à deux injonctions contradictoires – rester chez soi, rester en bonne forme physique et mentale –, la corde à sauter est l'instrument idéal. «Vous pouvez pratiquer sur votre terrasse, votre balcon, ou même dans la cuisine, assure Michel Giroud. Inutile d'en faire trop: trois fois par semaine, cinq à dix minutes par jour, c'est parfait. Si vous avez le temps, vous pouvez en faire quelques minutes à plusieurs moments dans la journée. Comme il faut être très concentré, c'est parfait pour se vider la tête et se détendre.»

De la variété, toujours

Sport immobile, le saut à la corde est l'un des exercices les plus complets qui soient. «Cela entraîne la coordination, la concentration, la souplesse, la respiration», énumère le pro, qui recommande une corde munie de roulements à billes. «Cela permet de moins solliciter les épaules et de faire tourner la corde plus vite.» La sienne ne vaut qu'une vingtaine de francs. Il l'étalonne en la faisant passer sous ses pieds. «Les poignées doivent arriver à hauteur des hanches.»

A part décrocher les lustres, la pratique est sans danger. «Je recommande tout de même de ne pas démarrer à froid. Bougez les bras, faites quelques assouplissements. Pendant l'exercice, pensez à varier. Varier la cadence, le mouvement de jambes, pieds joints puis alternés. Varier aussi les appuis, pour ne pas toujours être sur la pointe des pieds, vous risqueriez des tendinites ou des contractures aux mollets. Il vaut mieux éviter de manger avant et bien s'hydrater après. Et pour ceux qui veulent maigrir, entraînez-vous à jeun: l'exercice a tendance à réduire la taille de l'estomac. Quand vous avez fini, vous buvez deux verres d'eau et je vous garantis que vous n'avez plus faim!» Ça, c'est un truc de l'ancien boxeur.

REPÈRES

1956: Naissance le 1er février à Lausanne.

1978: Premier titre de champion de Suisse de boxe.

1984: Vice-champion d'Europe des super-légers, version EBU.

1986: Met un terme à sa carrière (40 combats, 32 victoires, 8 défaites).

1989: Record du monde de vitesse en saut à la corde (16 107 sauts en heure).

1995: Record du monde d'endurance en saut à la corde (11 heures et 2 secondes).