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Moncoutié et les douaniers fêtent le 14 Juillet

Le coureur Cofidis remporte la 12e étape. Pendant ce temps, le système de lutte antidopage continue à s'organiser dans l'Hexagone. Pour preuve: les fouilles inopinées d'hier.

Mansuétude de la part d'un peloton fatigué, moteur soudain boosté par l'essence du patriotisme ou simple hasard du calendrier? Toujours est-il que le cyclisme hexagonal, drapeau en berne jusqu'ici, a dû attendre le 14 Juillet pour célébrer une première victoire sur le Tour de France. L'échappée belle de David Moncoutié, lors de la 12e étape entre Briançon et Digne-les-Bains, est tombée à pic pour égayer ce jour de Fête nationale.

«Ça va trop vite»

Après avoir dit son immense bonheur, le coureur Cofidis a commenté, davantage fataliste qu'amer, les difficultés que lui-même et ses compatriotes éprouvent à rendre une copie valable sur le Tour: «Depuis le départ de Vendée, la cadence est incroyable, si soutenue que nous n'avons que peu d'espoir de nous imposer, explique-t-il. Même en donnant tout, on est un peu «justes». Ça va trop vite. C'est comme ça…» Faut-il en tirer des conclusions désagréables quant au mode de préparation de la concurrence étrangère? «Il est difficile de dire quoi que ce soit sur le dopage, reprend-il. Le sujet est délicat, je n'ai pas de preuve et je ne veux pas polémiquer. Tout ce que je constate, c'est que je marchais très bien lors du Dauphiné (ndlr: il y a un mois) et que je ne suis pas capable de suivre le rythme sur le Tour.»

Manager général de la formation Cofidis – éclaboussée par l'affaire du même nom le 12 janvier 2004 – depuis cinq semaines, Eric Boyer ne tient pas à faire de vagues sur la question: «Les coureurs exerçant leur métier sur le sol français sont-ils surveillés avec davantage de rigueur? Je n'ai pas à regarder ce que font nos voisins et chacun doit juger en son âme et conscience ce qu'il a à faire. En tout cas, il est certain que nous ne pouvons pas être taxés de laxisme en la matière.»

Contrôles pour rien

La preuve: les douaniers français sévissent même le 14 Juillet. Trois jours après que l'épouse du coureur italien Dario Frigo eut été interpellée en possession de dix doses d'érythropoïétine (EPO) – les deux époux, mis en examen pour «aide et assistance à l'usage de produits dopants, contrebande et importation» par un juge d'Albertville, ont été remis en liberté et placés sous contrôle judiciaire mercredi soir –, une nouvelle intervention a eu lieu jeudi à Tallard (Hautes-Alpes), sur un échangeur de l'autoroute A51. Soit sur le parcours dit «hors course» du Tour, celui qu'empruntent les suiveurs.

Zélés, les douaniers ont fouillé de fond en comble un camion de la formation Phonak, une voiture banalisée de la Liberty Seguros, ainsi que des véhicules appartenant aux équipes Bouygues Telecom, Lotto-Davitamon et AG2R. Juste pour voir. Ils n'ont rien vu et c'est tant mieux. L'épisode arrache un sourire à John Lelangue, manager de Phonak: «Notre camion a été fouillé? Vous me l'apprenez», s'est-il étonné après l'arrivée à Digne-les-Bains. «En tout cas, ce n'est pas la première fois cette année. Je suis le premier heureux lorsqu'il y a des contrôles, qu'ils soient diligentés par l'Union cycliste internationale, l'Agence mondiale antidopage, la douane ou la police.»

Le Belge n'a sans doute pas fini d'être heureux sur ce Tour. Car la France, l'un des seuls pays à posséder une loi spécifique contre le dopage, ne lésine pas en la matière. Le premier texte, qui remonte à 1965, a été révisé en 1989 puis en 1999. Le 23 mars de cette année-là, une loi est adoptée sous l'impulsion de Marie-George Buffet, alors ministre de la Jeunesse et des Sports.

Conçue afin de lutter contre le trafic de produits dopants et d'œuvrer en faveur de la protection de la santé publique, la loi vise à encadrer la surveillance médicale des sportifs, à renforcer les sanctions pénales et administratives à l'encontre des pourvoyeurs de produits interdits, ainsi qu'à créer une autorité indépendante dotée de pouvoirs de contrôle et de sanctions. Ainsi est né le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD), qui réunit des membres issus de la justice, de la médecine, des mondes scientifique et sportif.

«Un jour symbolique»

Il a certes fallu attendre mai 2003 et l'initiative du ministre Jean-François Lamour pour que le décret soit réellement mis en vigueur, et pour que les 24 cellules régionales – composées par des représentants du Ministère de la jeunesse et des sports, des autorités douanières, de la gendarmerie et des parquets concernés – fonctionnent avec efficacité. Mais depuis, l'échange de tuyaux entre les différentes instances ne cesse de s'intensifier. «Ce n'est pas pour rien si les coureurs étrangers refusent souvent d'intégrer les équipes françaises», souffle le journaliste d'un grand quotidien national.

David Moncoutié, qui a humé l'air pur de la région parisienne avant d'être élevé au grain dans le Lot, est malgré tout parvenu à remporter une étape du Tour de France. «Il s'agit d'un jour symbolique, conclut Eric Boyer. Celui du retour à un cyclisme propre, qui n'a rien à voir avec celui de l'affaire Festina en 1998.» Tout ça un 14 Juillet.