La relève du cyclisme suisse peut se réjouir. IAM SA, société genevoise spécialisée en gestion institutionnelle et en fonds de placement, a annoncé hier en marge du Tour de Romandie la création d’une nouvelle équipe, IAM Cycling Team, en Continental Pro, deuxième division internationale. Une équipe qu’elle sponsorisera à 100%, comptant 20 coureurs, encadrés de quatre directeurs sportifs – probablement deux Français, un Suisse et un Italien. Parmi eux, l’ancien champion de France Serge Beucherie, qui officia aux côtés de Roger Legeay dans les équipes Z, Gan et Crédit agricole. IAM Cycling SA emploiera au total 35 personnes. Le service courses sera proche de Genève. Michel Thétaz, directeur de IAM SA, évoque ses motivations à lancer une équipe.

Le Temps: Sur quelle base constituez-vous l’équipe?

Michel Thétaz: Je souhaite dix coureurs suisses sur les vingt. L’idée est la vulgarisation de nos produits financiers dans le pays, et progressivement à l’étranger. La connotation suisse est importante. Nous serons le seul sponsor de l’équipe. Dans les années à venir, nous avons bon espoir que l’accès des produits financiers helvétiques s’ouvrira en Europe. Avec l’équipe cycliste, nous partons sur un engagement de trois ans. Il nous faudra des grimpeurs, un sprinter et un leader. Soit un garçon qui a déjà fait ses preuves sur des courses par étapes, qui a peut-être été équipier de luxe et n’a pas eu sa chance.

– Quels sont vos objectifs sportifs?

– La société IAM a plus de 16 ans d’existence. Nous sommes sensibles à l’aspect de la formation, nous voulons faire éclore des jeunes. Mais l’effectif sera entièrement professionnel, avec quelques néo-professionnels. Ce seront des Pierre Rolland en puissance [25 ans, vainqueur à l’Alpe d’Huez et meilleur jeune sur le Tour de France 2011]. Le budget moyen d’une équipe Continental Pro est de 4 millions de francs suisses, nous serons à plus de 6 millions de francs. Je ne pense toutefois pas engager un Fabian Cancellara. On ne vise pas la vedette, mais un coureur de très bon niveau, une carte de visite pour obtenir des invitations sur des courses du World Tour comme le Tour de Romandie et le Tour de Suisse. On ne fera pas le Tour de France l’an prochain, mais peut-être que les résultats et le travail effectué justifieront ultérieurement l’invitation sur des courses prestigieuses, du type Giro ou Tour de France.

– Le but est-il un jour de rejoindre l’UCI World Tour?

– Non. L’objectif est d’être une équipe Continental Pro solide, et d’être invité sur le World Tour, comme Cofidis ou Europcar le sont sur le Tour de France.

– La difficulté de survie des épreuves sur route en Suisse est-elle un souci?

– L’UCI est basée en Suisse, et il n’y a pas d’équipe dans le pays, ce qui est un peu malheureux. On dénombre 17 coureurs suisses du World Tour, tous dans des formations étrangères. Une situation semblable en Continental Pro. Peut-être que la création d’une équipe peut ranimer la volonté d’organisation d’épreuves. On peut modestement apporter une pierre à l’édifice, différentes forces peuvent venir de différents endroits. La situation que vous évoquez ne me fait pas souci. Nos gars iront courir en Europe. Ça nous permettra de monter en puissance pour participer à des épreuves prestigieuses. L’originalité de notre équipe en Suisse est unique, on peut escompter des retombées médiatiques. Nous sommes convaincus que faire connaître le nom IAM en Europe est une bonne idée. Pour être accepté au moment où les produits financiers suisses y seront demandés et achetables. Nous n’aurons jamais de réseau de distribution. Nous pourrons accéder à ce marché uniquement par notre nom.

– Pourquoi sponsoriser le cyclisme?

– Dans le domaine financier, le sponsoring touche beaucoup le golf et la voile. Nous sommes non consensuels. Nous surprenons, dans notre domaine, par nos approches très carrées, nos convictions fortes. La culture du long terme des courses par étapes, le goût de l’effort, de la discipline et de la performance sur des épreuves de longue haleine, le jeu à la fois individuel et collectif sont des éléments que l’on retrouve dans notre métier et qui permettent de créer de la richesse. Un parcours de 18 trous, c’est se balader dans la nature et c’est très beau. Mais il ne faut démontrer à personne que le cyclisme est un effort beaucoup plus dur. Le retour sur investissement ne sera pas immédiat, on l’escompte sur trois, cinq, dix ans, par l’acquisition potentielle de clientèle privée.

– Le cyclisme a souvent été terni par des affaires.

– Nous avons une philosophie très claire: la tolérance zéro. Un coureur déclaré positif serait licencié immédiatement. Cela dit, on a confiance en l’UCI et les organismes internationaux de lutte antidopage. Sur les courses, la vitesse moyenne a baissé, ce qui est un bon signe. On va nettement dans la bonne direction. Dans notre métier, je suis partisan d’une surveillance accrue, gage de meilleures performances – ici aussi, IAM est non consensuel.

– Que vous inspire la perte de vitesse du cyclisme en Europe?

– Cela peut être considéré comme un épiphénomène, sur le long terme. Le cyclisme prend de l’ampleur, au contraire, et devient mondial. Il attire les foules et les attirera toujours davantage, car les règles deviennent plus claires.

– Le cyclisme aurait-il un côté anachronique, les jeunes tendant à délaisser les sports d’endurance?

– Il est peut-être non consensuel. Il n’y a rien de plus démodé que la mode. Le cyclisme connaît probablement des phases anachroniques, mais il perdure et s’impose par sa tradition. Des informations que nous avons, la Suisse comporte pléthore de jeunes talents.

– L’idée d’une équipe vous anime depuis quelques années. Quel a été l’argument pour la concrétiser?

– Mon épouse me demande depuis deux ans pourquoi je n’agis pas pour le cyclisme suisse. Je finis toujours par céder aux requêtes de ma femme! Et sinon, je fais du vélo depuis quarante ans. Pendant la bonne saison, je me rends à mon chalet en Valais à vélo. Le cyclisme a toujours été mon sport. Le coureur qui m’a marqué, c’est Eddy Merckx. J’ai eu l’occasion de grandir avec ce géant du cyclisme. J’aime ce goût de l’effort, où le résultat n’est pas immédiat.