«On ne parle pas avec les fantômes»: paroles de sélectionneur français
FOOTBALL
A dix jours du match France-Suisse, qualificatif pour le Mondial 2006, Raymond Domenech a présenté sa première liste de joueurs. Il espère que ses attaquants retrouveront leur efficacité et refuse de penser à autre chose qu'à la victoire, même s'il redoute la «Nati».
Raymond Domenech, le sélectionneur de l'équipe de France de football, a présenté hier sa première liste de joueurs pour le match France-Suisse qui aura lieu le samedi 26 mars au Stade de France, à Paris. Un match qui pourrait éclaircir la situation d'un groupe de qualification au Mondial 2006 pour le moins brumeux. Trois équipes à 8 points en 4 matches (Irlande, France, Israël), et la Suisse à 5 points en 3 matches. Autant dire toutes encore qualifiables, sauf Chypre et les îles Féroé. Avec une équipe de France rentrée dans le rang depuis le Mondial 2002, c'est-à-dire bien avant la retraite de quelques-unes de ses vedettes. Et un entraîneur qui s'efforce de modérer les ardeurs des supporters nostalgiques.
Dans une petite salle de conférence bondée au sous-sol du siège de la Fédération française de football, à deux pas de l'Arc-de-Triomphe de l'Etoile, Raymond Domenech use du langage imperméable des politiciens. «J'écoute toutes les questions, dit-il d'une voix égale, mais je ne suis pas obligé de répondre à toutes.» Et il ne répondra pas beaucoup à des journalistes français peu curieux ce jour-là. Il est vrai qu'ils auront l'occasion de revenir à la charge au cours des nombreux points de presse organisés avant le 26 mars. Et que la sélection réserve peu de surprises. Fabien Barthez est là, malgré son crachat lors d'un match amical de Marseille au Maroc. «Il regrette ce qui s'est passé, dit Raymond Domenech, mais ce n'était pas entièrement de son fait. Il sait qu'il risque une sanction. Chez nous, tant qu'il n'est pas condamné, il est présumé innocent.»
Raymond Domenech s'anime un peu quand on l'interroge sur le match Israël-France qui aura lieu le 30 mars. «Vous avez quatre jours d'avance, dit-il. La seule chose qui m'intéresse, c'est la Suisse! Le stade sera plein. Il y a un engouement extraordinaire. Le public sera derrière nous. On doit continuer à progresser, et cela passe par une victoire.» Cette phrase résume toute la rhétorique qu'utilise Raymond Domenech depuis sa nomination au poste de sélectionneur l'été dernier, après l'Euro portugais. La France veut être championne du monde en 2006, non parce qu'elle est irrésistible, mais parce qu'un sportif qui s'engage dans une telle compétition ne peut pas penser autrement. Mais…
«Les Suisses sont rodés»
«Il faut commencer par gagner ce match-là. Mais il faut préparer l'avenir.» Raymond Domenech consomme le «mais» sans modération. On ne peut pas lui en tenir rigueur. Car la France ne perd pas depuis son arrivée aux commandes, mais elle a de la peine à gagner (5 nuls et 2 victoires) et à marquer (6 buts en 7 matches). Alors que les Suisses: «Ils marquent plus de buts que nous, dit Domenech. Ils sont solides. Ils sont rodés. Ils jouent depuis longtemps ensemble.» Une manière d'énumérer a contrario les faiblesses de son groupe sans en faire état. La France a une bonne équipe et de bons joueurs, mais…
«Cette équipe a deux fonctions, dit Raymond Domenech. Elle doit se qualifier pour le Mondial. Et elle doit durer. Il faut construire sur ces deux phases. D'abord les matches de qualification. Maintenant, on ne peut plus dire qu'on progresse, il faut gagner. Et il faut penser à 2006.» «Des joueurs qui s'arrêtent, cela s'est vu», ajoute-t-il en pensant à l'avalanche de défections qui ont suivi l'Euro 2004. «Cette équipe est jeune, elle se met en place. Sans Zidane, elle ne peut être la même. On ne parle pas avec les fantômes, mais avec ceux qui sont contents d'être là.»
«Je n'attends rien»
Voici pour la version française. Le sélectionneur avait réservé quelques minutes spécialement pour la presse suisse. Il est resté tout aussi vague, mettant l'accent, comme c'est désormais la coutume chez les entraîneurs tricolores, sur les incertitudes du jeu. «Vous attendez-vous à une équipe de Suisse défensive?», demande un journaliste. «Je n'attends rien. Je compte sur mon équipe. On sait qu'on peut souffrir. Toutes les équipes peuvent nous faire souffrir. Cette fois, on joue une vraie qualification. Ce qui ne nous était plus arrivé depuis longtemps [pour l'Euro 2000].» Et Raymond Domenech s'en va, toujours aussi courtois et sans aspérités, dans sa veste mi-longue à fines rayures verticales. Très différent du défenseur rugueux qu'il était dans les années 1970, du révolté à la langue bien pendue, et du comédien amateur plein d'imagination. Sélectionneur national, ça vous change un homme.