La petite nageuse syrienne devenue icône médiatique
JO 2016
Yusra Mardini, 18 ans, fait partie de la première équipe de réfugiés de l’histoire des JO. Elle s’est fait connaître en sauvant des migrants en mer Egée: elle était l’une des seules du rafiot à savoir nager. Un parcours atypique et l’incarnation d’un nouvel idéal olympique

Les vagues, le froid, les gens paniqués à bord du bateau. Elle en parle avec une incroyable aisance. Presque déconcertante. Et semble gérer sa médiatisation fulgurante avec l’aplomb et l’impertinence mutine d’une adolescente bien dans ses baskets, une jolie frimousse en prime. Yusra Mardini, 18 ans, fait partie de la première équipe de réfugiés de l’histoire des JO. Son histoire, celle d’une traversée chaotique en mer Egée, qui lui a valu des interviews dans les médias du monde entier, est plutôt étonnante.
Syrienne, Yusra nage depuis l’âge de 3 ans, grâce à un papa entraîneur. Elle a grandi à Damas, où elle était soutenue par le comité olympique syrien. Puis, la guerre est arrivée, sa maison a été détruite, et son rêve olympique s’est envolé. Ou justement pas: le 12 août 2015, elle et sa sœur aînée, Sarah, décident de fuir le pays. Elles passent par le Liban et la Turquie.
La suite a beaucoup été racontée: de là, elles prennent un petit rafiot de fortune pour la Grèce, avec 18 autres migrants. Après quelques minutes, le moteur du bateau surchargé s’arrête. Sarah saute à l’eau. Yusra aussi, avec une troisième personne. Dans une mer froide et agitée, elles poussent le bateau pendant trois heures et demie jusqu’à l’île grecque de Lesbos. Sans se laisser déconcentrer par les migrants à bord, paniqués car ne sachant pas nager.
C’est à Berlin qu’elle boucle son périple, après vingt-neuf jours d’errance à travers la Macédoine, la Serbie, la Hongrie et l’Autriche. En bus, en train, à pied. A peine arrivée dans un centre de réfugiés de la capitale allemande, elle demande une piscine. C’est avec la Wasserfreunde Spandau 04 qu’elle s’entraînera avec sa sœur. Son coach est rapidement bluffé par ses capacités. Très vite, il lui déclare que leur objectif sera les JO 2020 de Tokyo. Mais c’était avant que le CIO ne la présélectionne pour Rio parmi 42 autres athlètes devenus requérants d’asile. Et qu’elle apprenne, le 3 juin, qu’elle fait partie des dix derniers chanceux.
"Thank you for letting us follow our dreams, for giving us hope"
— TeamRefugees (@TeamRefugees) August 4, 2016
- Yusra #TeamRefugeeshttps://t.co/N1noUVCtWo
Devenue l’icône du groupe de réfugiés, Yusra, que les médias s’arrachent, découvre Rio avec les yeux d’une ado qui veut prouver qu’il faut toujours croire en ses rêves. Sa dernière vidéo, où elle partage ses impressions brésiliennes avec Rami Anis, un autre nageur syrien, réfugié lui en Belgique, a déjà été vue plus de 800 000 fois. Après des expériences traumatisantes, Yusra vit ses rêves éveillée. Déterminée, elle s’entraîne plus de trente heures par semaine, même si ses chances de médaille au 200 mètres nage libre sont faibles.
Oui, elle retournera en Syrie, dit-elle. Quand la guerre sera terminée. Mais Hollywood semble déjà s’intéresser à son histoire. D’ailleurs, elle et son coach lancent un avertissement: Yusra doit se concentrer sur la compétition et ne peut plus honorer toutes les demandes d’interviews. «Pour toutes les propositions de documentaire, de livre ou de film, prenez svp note que nous ne nous prononcerons sur aucune offre avant septembre», précise encore le message. Signé: Yusra et son équipe.