La polémique autour des Jeux olympiques 2008. La leçon donnée à Pékin par M. Rogge
OLYMPISME
Pour la première fois, une divergence de vues émerge entre la Chine et le CIO sur les droits de l'homme.
Pour la première fois depuis l'attribution des Jeux olympiques à Pékin, en juillet 2001, Jacques Rogge a établi un lien entre les JO et le respect des droits de l'homme. Sous pression internationale et alors que le parcours de la flamme olympique prend des allures de calvaire, le président du CIO ne pouvait plus se retrancher derrière le mantra olympique de la séparation du sport et de la politique pour justifier son silence, de plus en plus incompréhensible.
A Pékin, devant les représentants des 205 comités olympiques nationaux, il s'est livré à un exercice acrobatique pour rappeler la Chine à ses obligations internationales, sans trop froisser ses hôtes. «Avant l'attribution [des Jeux], les représentants [chinois] ont dit - et je les cite de mémoire, car je ne le sais pas par cœur - «accorder les Jeux à la Chine ferait avancer la question sociale, notamment les droits de l'homme», a expliqué le président du CIO. «C'est ce que je qualifierais d'engagement moral plutôt que juridique. Nous demandons absolument à la Chine de respecter cet engagement moral.»
La réponse de Pékin a été immédiate, par la voix de la porte-parole du Ministère des affaires étrangères, Jiang Yu. Elle a rétorqué qu'elle espérait que le CIO s'en tiendrait à sa propre Charte, qui stipule «de ne pas introduire de facteurs politiques hors de propos». Cette première divergence de vues entre le régime chinois et l'organisation sportive a aussitôt été relativisée par la porte-parole du CIO, Giselle Davies, qui a démenti à l'AFP l'existence de la moindre tension avec le gouvernement chinois. «Je pense que vous l'avez entendu de la part des deux parties; tout le monde est d'accord pour dire que le sport et la politique doivent rester le plus séparés possible.» La veille de cette intervention, Jacques Rogge avait été reçu par le premier ministre, Wen Jiabao.
Jacques Rogge a par ailleurs reconnu que le CIO vivait des moments difficiles en référence au parcours de la flamme olympique. «Il y a une crise, il n'y a pas de doute. Mais le CIO a traversé des tempêtes bien plus grosses», a-t-il expliqué en conférence de presse. «L'histoire des Jeux a été marquée par nombre de défis», a-t-il poursuivi, jugeant toutefois que les mouvements de protestation envers la politique chinoise au Tibet étaient «incomparables avec ce qui était arrivé par le passé», en évoquant la prise d'otages des JO de Munich en 1972, qui «fut la plus grosse crise du mouvement olympique».
L'agence Chine Nouvelle qui fait office de source unique sur la question dans les médias chinois, a passé sous silence l'appel de Jacques Rogge à respecter les droits de l'homme. Elle a, en revanche, relayé ses propos sur la «crise» qui est, selon les termes de l'agence, provoquée par des «séparatistes tibétains». En matière de liberté d'expression (lire ci-dessous), Chine Nouvelle se réfère par ailleurs à la Charte olympique, laquelle stipule «qu'aucune propagande politique, religieuse ou raciale n'est permise sur des sites olympiques». Ce qui n'empêche pas le Parti communiste chinois d'instrumentaliser les Jeux olympiques de Pékin depuis sept ans, afin de renforcer sa légitimité aux yeux de la population.
Un document interne et confidentiel du CIO daté du 26 mars, révélé mercredi par Reporters sans frontières (RSF), liste les problèmes susceptibles de survenir lors du passage de la flamme et fait référence à la «sécurité des porteurs, des spectateurs, le terrorisme, les manifestations, le mont Everest, le Tibet, Taïwan et la place Tiananmen».
La preuve que le Tibet et les droits de l'homme sont au centre des Jeux, estime RSF.
Au Japon, le dalaï-lama a pour sa part réaffirmé jeudi son soutien aux JO et appelé la Chine à ne pas le «diaboliser». A Genève, sept experts de l'ONU en matière de droits de l'homme ont, par ailleurs, exprimé leur «profonde inquiétude» sur la répression au Tibet et demandé un libre accès à la région pour les journalistes et observateurs indépendants.
Des collaborateurs de Ban Ki-moon ont enfin indiqué que le secrétaire général de l'ONU n'assistera probablement pas à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Pékin, en précisant que cette décision n'était pas liée aux événements au Tibet.