Le Lausanne-Sport passe sous pavillon britannique. Le géant de la pétrochimie Ineos a racheté le club de football vaudois à Alain Joseph. Après six ans de vice-présidence et quatre ans de présidence, l’entrepreneur s’apprête à redevenir un simple supporter.

«Le meilleur repreneur possible»

Et c’est peu dire que la perspective réjouit celui qui, depuis des mois, ne faisait pas mystère de sa volonté de passer le relais. «Aujourd’hui, j’éprouve un vrai soulagement, et la fierté du devoir accompli jusqu’au bout. La transition fait aussi partie du mandat et je suis convaincu que le club a trouvé le meilleur repreneur possible», a-t-il déclaré hier, lors d’une conférence de presse commune avec son successeur à la tête du LS, David Thompson, CEO d’Ineos.

Devant les nombreux journalistes réunis dans les locaux de la société, les deux hommes n’ont rien dit du montant de la transaction. Alain Joseph s’est contenté de reconnaître qu’il avait réalisé «une plus-value» par rapport à la somme engagée pour reprendre le club en mai 2013. «Un juste prix pour un objet de qualité», a-t-il sobrement commenté.

Peu importe la somme engagée, Ineos n’a pas mis son équilibre financier en péril en s’offrant le LS. Le groupe emploie 17 000 personnes dans le monde, compte 80 sites de production dans 16 pays différents et affiche depuis deux ans un chiffre d’affaires stable à environ 40 milliards de francs. Fondé en 1998 en Angleterre, il a rapidement prospéré en rachetant des usines pétrochimiques dont les autres firmes ne voulaient plus.

Implanté dans le sport vaudois

Ineos a déménagé son siège mondial à Rolle en 2010 sans cacher ses motivations fiscales – il prévoyait 650 millions d’économies sur la seule période 2010-2014 – mais en affirmant aussi son intention de s’investir dans la région. Sept ans plus tard, tous les amateurs de sport vaudois connaissent, sans forcément savoir ce qu’elle produit, le logo de la boîte, sponsor principal du Lausanne Hockey Club et partenaire d’équipes de rugby et de volley. En matière de football, l’entreprise parrainait déjà Team Vaud, la structure de formation commune au Lausanne-Sport et à différents autres clubs du canton.

Aujourd’hui, Ineos franchit une étape en devenant propriétaire à part entière d’une équipe professionnelle, et son envergure financière à de quoi faire saliver les supporters. David Thompson n’a rien dévoilé des moyens qui seront engagés pour construire l’avenir du LS, mais souhaite un destin européen. «Devenir la meilleure équipe du pays, c’est difficile, car il y a déjà de bons clubs bien en place, a-t-il développé. Mais nous placer parmi les trois ou quatre premiers à l’horizon de ces trois, quatre ou cinq prochaines années? Oui, je crois que c’est possible.»

La perspective de disposer d’un outil de travail tout beau, tout neuf, avec l’inauguration, à l’été 2019, du stade de la Tuilière a joué un rôle déterminant dans la reprise du club. «Actuellement, à Lausanne, le hockey attire 8000 personnes par match, le football seulement 3000. Il faut reconnaître qu’avec la Pontaise, il est difficile de toucher plus de monde. Le futur stade, lui, le permettra», explique le nouveau président.

La nécessité d’un directeur technique

Avant que la passation de pouvoir ne soit véritablement effective, Ineos devra satisfaire à l’examen d’intégrité pour nouveau propriétaire de club, introduit par la Swiss Football League en 2016 pour empêcher les entrepreneurs peu recommandables de s’immiscer dans son giron. Mais en l’occurrence, personne ne semble inquiet quant à l’issue d’un processus fortement soutenu, au moment de sa mise en place, par Alain Joseph: «Depuis trois mois et demi que durent nos discussions, j’ai appris à connaître des gens à la fois généreux et stricts, qui connaissent très bien la valeur d’un franc.»

Très vite viendra pour eux le temps de se mettre au travail. Avec, selon David Thompson, deux chantiers à mener dans un futur immédiat. «Nous voulons trouver trois ou quatre nouveaux joueurs avec beaucoup d’expérience pour renforcer l’équipe et, surtout, un directeur technique. Ce dernier aura la vocation de devenir le véritable visage du club, un peu dans le même rôle que Jan Alston au Lausanne HC.» Le CEO d’Ineos, lui, possède domicile et bureau en terres vaudoises, mais des rendez-vous à l’international. Dans le cadre du LS, il sera sans doute un peu plus en retrait de la gestion quotidienne que ne pouvait l’être Alain Joseph. Dans le stratégique davantage que dans l’opérationnel.

Après «quatre ou cinq rendez-vous» avec les nouveaux dirigeants, le coach Fabio Celestini – personnage central du retour du LS dans l’élite – se montre prudent, mais plutôt confiant. «Comme supporter, j’ai envie de rêver, mais comme entraîneur, j’attends de voir. J’ai toutefois l’impression que nous allons pouvoir franchir un palier. Avec l’organisation actuelle du club et ses moyens, nous nous heurtions sportivement à un plafond. J’ai le sentiment qu’il sera désormais un peu rehaussé.»

Le «grand» Lausanne

Impliqué dans la recherche du directeur technique, car l’entente entre les deux hommes sera cruciale, Fabio Celestini ne serait pas contre quelques nouveaux joueurs, mais l’essentiel est selon lui de renforcer les structures. «Les joueurs de premier plan ont des attentes bien particulières et il faut être prêts à y répondre. Nous devons mettre en place une culture de la performance au sein du club.»

Dans un premier temps, la gestion quotidienne ne sera pas chamboulée. Les mandats – notamment administratifs – assumés pour le club par Grand Chelem Management seront respectés jusqu’au terme de la saison au moins. Petit à petit, Ineos imprimera toutefois sa marque à ce que le communiqué officiel appelle «le FC Lausanne-Sport nouvelle version» et qui se mettra en quête de sa gloire passée. «Comme tous les débuts d’histoire, c’est excitant, lance Fabio Celestini. Et même s’il y a une part d’incertitude, j’ai la sensation que nous pourrons peut-être bientôt revoir le grand Lausanne-Sport…»


Jeunes Vaudois et académies africaines

Déjà engagé dans Team Vaud, Ineos a l’intention de ne pas renier l’identité cantonale construite par le LS ces dernières années, même s’«il faudra réinventer nos structures pour former des jeunes d’un niveau supérieur», prévient l’entraîneur Fabio Celestini. Mais, parallèlement, le groupe britannique entend intégrer le club au cœur de ses «activités football» en plein développement. Il envisage l’ouverture de deux académies pour jeunes talents au Botswana et en Namibie, dont les meilleurs fruits pourraient trouver avec le Lausanne-Sport une porte d’entrée privilégiée vers l’Europe.