Son arrivée à l'aéroport de Zurich, le 22 juillet dernier, a rameuté une vaste cohorte de compatriotes. «Des amis et des fans. Une grande solidarité unit les Congolais. Venez au stade, vous verrez. Nous serons très nombreux.» John Dario, dubitatif: «Tant mieux. Mais attention: dès que Shabani Nonda (ndlr: révélé par Zurich, aujourd'hui à l'AS Rome) a gagné un peu d'argent, il a eu 300 frères et 800 cousins. Biscotte aussi sera harcelé par des milliers de managers qui lui promettront la lune. Il doit apprendre à choisir ses relations.»
Mbala Mbuta, fils de Biscotte, père de Bisnath, un mois, élude prudemment. Il n'est pas très causant, pas très joyeux non plus, pas très ponctuel, juste imprégné de cette certitude que son destin est en marche, qu'Yverdon est une étape dans sa carrière, une rampe de lancement. «Beaucoup d'émissaires étrangers viennent visionner le Championnat de Suisse. Je pourrais me faire un nom, comme Nonda.»
Dans son pays, il était en territoire conquis. Naissance à Kinshasa, premiers dribbles dans la rue, aisance dans la chaleur et les stades archicombles. Transit par Yverdon, la ferveur provinciale, le calme rassurant, la brume, les petits matins blêmes. Yverdon où le rejoindront bientôt son épouse et son fils, le temps de régler les «formalités» douanières. Yverdon qu'il n'aurait pas pu situer sur une carte, ni même la Suisse, mais dont il semble se préoccuper grandement: «Je veux aider le club. Je dois lui permettre de monter.» Salle d'attente pour la gloire, antichambre de l'excellence: depuis mai dernier, la grande industrie du rêve et du talent caché a parachuté en Suisse quelque trente joueurs étrangers, la plupart munis d'états de service exemplaires, mais essentiellement connus jusqu'ici de leur propre mère.
Biscotte, lui, arrive tout juste d'Hapoel Tel-Aviv. Son agent africain l'y avait placé après plusieurs galops d'essai, ça et là, dont un au Feyenoord Rotterdam. «Il y a des managers partout. On est vite repérés», dit «Sauvons le Congo». Sur les conseils de Shabani Nonda, dont il défend les intérêts, John Dario a pris Biscotte sous son aile. Il l'a proposé à Xamax et à Zurich, qui n'ont pas donné suite. A Yverdon, le président, Paul-André Cornu, n'a pas hésité: «Je me suis levé ce matin en pensant que j'allais engager un bon joueur. Amenez-moi ce M. Biscotte. On signe!»
A Yverdon, le Congolais intègre une vaste légion étrangère: Boliviens, Moldaves, Brésiliens, Argentins, Portugais, Marocains… Il mange chaque midi à la cafétéria de l'usine Flûtes de Champagne, propriété de Pierre-André Cornu, où l'eau minérale est vendue quarante centimes le verre. Les émoluments sont modestes, le faste est discret mais, sous ses projecteurs de faible amplitude, les espérances fleurissent quand même, et le verbe aussi: «J'ai l'ambition de devenir un grand, de montrer aux gens qui est Biscotte. Je veux aller loin et jouer dans les meilleurs clubs.»
Son rêve: Barcelone. Ses qualités: «Dribble, vitesse. La passe, aussi.» Léger handicap, mais il est de taille: ses 58 kg pour 1, 65 m. Comme une fâcheuse impression que, malgré la dextérité, quand Biscotte débordera sur son aile, un coup de coude suffira à le catapulter dans les tribunes. «C'est le genre de mec qui te dribble trois types dans un mouchoir, objecte John Dario. En plus, il a les deux pieds. Personne ne sait encore s'il est droitier ou gaucher. Théoriquement, Biscotte devrait finir en France.» Pas de délai. «Step by step.»
John Dario, ancien footballeur émérite, impresario quasi incontournable, est sûr de son plan de carrière: «D'un point de vue humain, Yverdon sera une expérience profitable. Quand Biscotte marchera dans la rue, personne ne l'arrêtera. Quand il ira faire ses papiers à la commune, on lui demandera son nom. L'anonymat le bonifiera. Et puis, en termes de football, Yverdon représente une vitrine idéale. Rien à craindre des discriminations raciales. Tout à espérer de la proximité avec les grands championnats voisins. Endroit parfait, ni trop chaud ni trop froid, pour apprivoiser le climat continental. A mon avis, dès le mois de novembre, on verra un grand Biscotte.»
A suivre…