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Ronda Rousey, le glamour dans une cage de fer

Judokate fauchée devenue star millionnaire du MMA, l’Américaine est la reine du combat libre. Ses clés de bras lui ont ouvert les portes de Hollywood

L’Américaine est la star incontestée du MMA. Sa forme physique et son visage avenant lui valent de jouer dans des films d’action hollywoodiens. — © JoskhHedges/Zuffa Ilc/Getty Images
L’Américaine est la star incontestée du MMA. Sa forme physique et son visage avenant lui valent de jouer dans des films d’action hollywoodiens. — © JoskhHedges/Zuffa Ilc/Getty Images

Ronda Rousey, le glamour dans une cage de fer

Portrait Judokate fauchée devenue star millionnaire du MMA, l’Américaine est la reine du combat libre

Ses clés de bras lui ont ouvert les portes d’Hollywood

Dans le coin gauche, accusant 61 kilos pour 1,68 mètre, invaincue en onze combats, la star du combat libre: Ronda «Rowdy» Rousey! Dans le coin droit, âgée de 28 ans, ceinture noire 3e Dan, vice-championne du monde et première Américaine médaillée olympique de judo: Ronda Rousey! Dans le coin blanc, la petite chérie de l’Amérique, la sportive préférée des sponsors, des magazines glamour et d’Hollywood, déjà vue au cinéma dans Fast and Furious et Expendables: Ronda Rousey! Dans le coin noir, la battante qui a dû survivre dès sa naissance, aphasique jusqu’à 6 ans, orpheline de père à 8 ans, qui se bat comme si sa vie en dépendait: Ronda Rousey!

Les combats d’Ultimate Fight Championship (UFC), la plus grande organisation mondiale de Mixed Martial Arts (MMA), se disputent dans un octogone. Ici, les rings ont huit côtés et les athlètes plusieurs facettes, quand ce n’est pas plusieurs vies. C’est dans cet enfer grillagé que Ronda Rousey s’est construit un palmarès, un nom, une fortune. Désignée «athlète féminine de l’année 2014» par ESPN, cette jolie blonde aux faux airs de Lindsey Vonn est une «Million dollars baby» qui préférerait Vin Diesel à Clint Eastwood. Samedi, dans un Staple Center de Los Angeles plein à craquer, Rousey a battu sa compatriote Cat Zingano par soumission (clé de bras) après quatorze secondes. Les fans qui ont déboursé 59 dollars (en version HD) pour suivre le combat ont dû apprécier.

Zingano se présentait pourtant invaincue et avec une bonne cote (6 contre 1). Mais Ronda Rousey est d’une autre dimension. Onze combats, onze victoires, dont dix avant la fin du premier round et neuf conclus sur une clé de bras. Les quatre derniers ont duré 62 secondes en tout. «C’est une version féminine du Mike Tyson des débuts», a constaté Dana White, le président de l’UFC, au lendemain du non-match. La veille, il s’émerveillait: «C’est la plus grande star que nous avons eue jusqu’à maintenant. C’est une saga à la Rocky.»

Ronda Rousey, c’est l’histoire d’une revanche sur la vie. Après le suicide de son père, atteint d’une maladie incurable, elle est élevée par sa mère, AnnMaria Rousey DeMars, première Américaine championne du monde de judo. La petite ne commence le judo qu’à 11 ans. C’est tard mais elle progresse très vite. Championne du monde junior, elle est vice-championne du monde en 2007 à Rio. La judokate genevoise Juliane Robra est au bord du tatami, puis l’affronte quelques semaines plus tard en randori (combat d’entraînement) en marge du Swedish Open. «J’avais été frappée par ses très bonnes liaisons debout-sol. Elle était très souple, très dynamique en rotations, hyper-efficace en clés de bras. Lors de sa finale perdue, elle m’avait impressionnée par sa volonté. A cinq secondes de la fin, elle s’était ruée à l’attaque pour tenter de renverser le score.»

L’année suivante, Ronda Rousey décroche le bronze aux JO de Pékin. Première médaillée olympique de l’histoire du judo américain, elle tombe de haut en constatant que le pays s’en moque. Elle découvre le vide, la déprime post-partum du sportif ayant atteint son objectif. La chute est d’autant plus vertigineuse que les sponsors ne se bousculent pas. «Pour ma médaille, on m’a donné quelques milliers de dollars et une poignée de main», dit-elle au Monde. Fauchée, elle dort dans sa voiture, enchaîne les petits boulots (thérapeute pour chiens, hôtesse dans un fitness, prof de judo), partage un appart miteux avec un ami, un chien, des cafards.

En 2010, elle se lance dans le MMA. Par nécessité mais aussi par goût. «Quand elle faisait du judo, on sentait qu’elle se retenait d’en venir aux mains, se souvient l’un de ses entraîneurs, Edmond Tarverdyan. Maintenant, elle peut le faire.» Elle passe pro en mars 2011. Une victoire, en 25 secondes, payée 800 dollars. Ses clés de bras lui ouvrent les portes de la gloire. D’abord réticent à promouvoir des combats de femmes, le président de l’UFC Dana White comprend vite qu’il tient un filon. Les poses sexy de la belle dans l’édition Swimmsuit de Sport Illustrated, The body issue du magazine d’ESPN, et le Maxim 2013 ont raison de ses scrupules.

Aujourd’hui, Ronda Rousey est «l’athlète la mieux payée de l’histoire des sports de combat», selon l’estimation de Lorenzo Fertitta, un des propriétaires de l’UFC. Reebok ou les jeans Buffalo David Bitton ont fait d’elle leur égérie. A chacune de ses victoires, elle empoche 120 000 dollars, plus des royalties sur le pay per view dans 120 pays. Elle reste affamée, une habitude du temps où elle ne se nourrissait que de mauvais produits surgelés. «J’aime le combat. C’est ma passion mais je sais que les carrières sont courtes dans le sport. Je ne veux plus être laissée de côté comme avant.»

Sa réussite est évidemment une pierre dans le jardin du judo, à l’heure où la fédération européenne a décidé d’annuler les championnats d’Europe prévus cette année à Glasgow parce que les organisateurs avaient accepté de faire sponsoriser leur manifestation par le MMA. Ce sont pourtant ses qualités de judokate qui expliquent son succès. Une fois le corps-à-corps engagé avec son adversaire, elle impose sa force de bras pour amener le combat au sol où sa technique de clés fait merveille. «Je pense qu’elle a depuis beaucoup travaillé pour compléter son bagage», estime Juliane Robra, qui observe que «d’autres judokas sont passés au MMA. Les Japonais Hidehiko Yoshida, champion olympique à Barcelone en 1992, et Satoshi Ishii, vainqueur de Teddy Riner en 2008 à Pékin, ont aussi franchi le pas. Pas mal de judokas suivent l’actualité du MMA et les combats de Rousey, on le constate sur les forums.»

La plus grande surprise du match fut néanmoins de découvrir une Rousey pleine de commisération pour sa rivale. «J’aimerais vraiment voir de quoi Cat est réellement capable. Elle mérite une seconde chance.» Les amateurs aimeraient surtout la voir affronter la Brésilienne Christiane «Cyborg» Justino, la star de la catégorie de poids supérieure. Ronda Rousey rechigne à affronter une athlète convaincue de prise de stéroïdes. «Prendre des substances dopantes, c’est comme entrer dans la cage avec une arme», dénonce l’Américaine. On peut avoir vendu son âme de judokate au diable du MMA et garder quelques principes.

«Elle est aujourd’hui l’athlète la mieux payée de l’histoire des sports de combat»