Saint-Etienne, premier club sanctionné dans l'affaire des faux passeports. A qui le tour?
FOOTBALL
A Paris, la commission juridique de la Ligue nationale de football (LNF) a sévèrement sanctionné les Stéphanois. Le légendaire club français des années 70 s'est vu retirer sept points. Maxym Levytsky et Alex Dias écopent de quatre mois de suspension, dont deux avec sursis. Parallèlement Farid Mondragon, le gardien «gréco-colombien» de Metz, sera jugé le 14 mars.
Les membres de la commission juridique de la Ligue nationale de football (LNF) n'y sont pas allés avec le dos de la cuillère. Rien de bien étrange, en vérité. Depuis le début de l'année, l'affaire des faux passeports empoisonne le championnat français. Soucieux d'apaiser les polémiques, Gérard Bourgoin, le président de la Ligue, avait promis des sanctions exemplaires. Il a manifestement tenu parole. Mardi soir très tard, les sentences sont donc tombées. Et, bien que justifiées, elles sont très lourdes pour l'AS Saint-Etienne, jugée responsable dans l'affaire des joueurs possédant des faux passeports de pays de l'Union européenne. Après cinq heures de délibération âpres et difficiles, la commission juridique a tranché. Résultat: les Verts se sont vu retirer sept points au classement du championnat de France de D1.
«C'est la première fois dans l'histoire du football français professionnel que l'on retire des points à un club, a expliqué Jean-Pierre Camus, le président de la commission juridique de la Ligue. Nous avons décidé de sanctionner durement l'AS Saint-Etienne (ASSE), tout en lui laissant une chance de s'en sortir sportivement. Sinon, nous lui aurions retiré dix points.» Même si une procédure d'appel a été engagée par les dirigeants stéphanois, les coéquipiers de Jean-Guy Wallemme et de Rudy Garcia se retrouvent désormais à égalité de points avec le FC Metz, qu'ils ne devancent qu'à la différence de buts. Ils pointent également à cinq points de l'Olympique de Marseille, pourtant peu en verve cette saison. La procédure d'appel n'étant pas forcément suspensive, le club du Forez rétrograde donc de la onzième à la quinzième place, en position de premier non relégable.
Vingt ans après l'affaire de la fausse billetterie et de la caisse noire, le club le plus titré du football français (dix titres de champion et six fois vainqueur de la Coupe) se retrouve dans l'œil du cyclone. Mis en examen pour usage de faux par le juge d'instruction Nicolas Chareyre, qui instruit la plainte déposée par l'ASSE en décembre dernier, l'attaquant brésilien Alex Dias et le gardien de but ukrainien Maxym Lewytsky sont suspendus pour une période de quatre mois, dont deux avec sursis. Le Brésilien avait joué sous passeport portugais tandis que le portier possédait un faux passeport grec. Enfin, le président-délégué du club, Gérard Soler, a personnellement écopé d'un an ferme de suspension à partir du 16 janvier. Il paie ainsi au prix fort son implication totale dans l'affaire même s'il a toujours plaidé la bonne foi.
«Gérard Soler n'a pas reconnu ses responsabilités, mais Alex l'a mis en cause devant nous, a souligné Jean-Pierre Camus. Il nous est apparu que sa responsabilité était engagée et que celle des joueurs pouvait être atténuée par rapport à celle des dirigeants.» La commission juridique a par ailleurs demandé au conseil d'administration de la Ligue de saisir la commission d'éthique afin d'apprécier la responsabilité du président de l'ASSE, Alain Bompard. A Nanterre, parallèlement, la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) travaille dans le cadre d'une enquête, diligentée par le parquet et ouverte à la suite d'une plainte contre X de la LNF. Cette procédure vise à déférer rapidement devant la justice les footballeurs en possession de faux documents.
Le gardien colombien du FC Metz, Farid Mondragon, qui aurait reconnu avoir utilisé un faux passeport grec a été convoqué devant le tribunal correctionnel de Paris pour «détention et usage de faux documents administratifs». Il se présentera devant les juges le 14 mars et devant les membres de la commission de discipline de la Ligue le 30 janvier. Dans les prochaines semaines, d'autres noms devraient apparaître au grand jour. Récemment, Gérard Bourgoin estimait d'ailleurs que cette affaire des faux passeports concernerait «cinq à six joueurs». Sur la liste des 78 footballeurs évoluant en France avec un passeport communautaire, une dizaine semblent pourtant être dans une position délicate. Mais, au-delà des sanctions, cette affaire symbolise les perversités du football moderne.
La rapidité avec laquelle l'instance tutélaire du football professionnel a réglé cette affaire démontre assez clairement que les enjeux financiers du ballon rond s'accommodent mal des approximations juridiques de certains dirigeants et des méthodes suspectes de certains agents. Mais cette mode des faux passeports indique que la valeur marchande des footballeurs ne se jauge plus seulement sur une pelouse. Il est estimé qu'un joueur non communautaire voit sa valeur marchande augmenter de 25% s'il obtient un passeport européen. L'affaire actuelle ne peut se comprendre sans prendre en compte cet aspect du problème, éminemment pécuniaire.