Les complices aux ressemblances troublantes ont confirmé dimanche, en prenant les quatrième et cinquième places. «J'étais optimiste, mais pas autant», a reconnu l'entraîneur Berni Schödler.
Pendant l'été, le technicien a remodelé la corpulence de Simon Ammann, pénalisée par l'introduction en 2003 d'un indice de masse corporelle - mesure contre l'anorexie. Pour un poids stable, la force motrice du double champion olympique a augmenté de 8%. Ces avancées ont permis de tonifier l'élan - l'éternel point faible - et l'envol sur la planche.
Le matériel, aussi, a évolué. Et à force de progrès, Simon Ammann s'est senti pousser des ailes. «Je suis redevenu patient. J'ai vu que la nouvelle orientation payait et j'ai évacué le reste de ma tête.»
Le reste n'était pas rien. C'était même tout le problème. Depuis ses quatre sauts de Salt Lake City, quatre bonds pour entrer au firmament, Simon Ammann n'était qu'un produit de l'idolâtrie. C'était un phénomène de foire un peu paumé, trimbalé de banquets en plateaux télé dans un grand manteau gris. C'était un conte de fées et, très vite, ce ne fut que de l'histoire ancienne.
Le Saint-Gallois expliquait l'an dernier: «En général, j'ai toujours un demi-kilomètre/heure de retard sur les autres, mais je compense en étant très relâché. Là, plus je peine, plus je me crispe. Et plus mes difficultés grandissent.»
Les Jeux de Turin l'ont rappelé à sa condition de héros. Malgré tous ses efforts pour ne pas ressembler à Harry Potter, malgré sa crinière teinte en blond, malgré ses verres de contact, l'imaginaire a survécu à l'évidence. «Simi» n'était pas libre. Certains disaient même qu'il ne savait plus voler.
Subsistait un secret espoir, des croyances anciennes, parfois bonnes à prendre, comme la magie des Jeux. Mais Ammann est tombé dès le premier saut et, avec lui, l'attente exubérante des thuriféraires. Il est tombé de haut, de très haut. «Je vis des moments douloureux», a-t-il soupiré.
Mais sa contre-performance l'a aussi débarrassé d'une attention pesante. Soulagé, libre comme l'air, Ammann revit. «Les Jeux de Salt Lake City ont vraiment pris fin en février dernier, à Turin», a-t-il avoué hier.