Portrait
Il a été pendant quatorze ans le préparateur physique de Lara Gut. Et doit à son grand-père, bûcheron et horloger, la passion du mouvement

Salle Greenfit de Salgesch, près de Sierre. Un temple du sport et de l’effort. Ce jour-là, c’est Marco Reymond qui soulève les haltères et transpire. Le champion suisse 2020 de géant, fils d’Erika Hess et du regretté Jacques Reymond, est un des 12 skieurs de haut niveau que Patrick Flaction accompagne dans leur préparation physique. Citons quelques autres: Daniel Yule, Mélanie et Loïc Meillard, Ramon Zenhäusern, Charlotte Chable, Luca Aerni. Que du beau monde.
Dans une salle tant dédiée aux réunions qu’aux collations, ce poster de Lara Gut dévalant une pente et la dédicace suivante: «Merci pour les tonnes que tu me fais soulever et les milliers de marches que je dois monter.» Patrick Flaction fut le préparateur de la Tessinoise durant quatorze ans. «Tous deux, nous avons enchaîné trois cycles de cinq années. A ce niveau, une telle longévité est rare. Pierre Paganini est sans doute le seul à avoir fait mieux», confie Patrick. Pierre Paganini, préparateur physique de Roger Federer depuis plus de vingt ans. Homme demeuré dans l’ombre, bâtisseur d’athlète en salle, loin des stades, du public, des médias. Il n’a été physiquement présent que lors de la mythique victoire du Bâlois à Roland-Garros en 2009.
Lui au Tessin, elle en Valais
Patrick Flaction a été tout aussi discret. Il allait au Tessin, Lara venait en Valais. Elle était une ado, il l’a portée jusqu’à son sacre mondial en 2016. «Une grande sportive, mais aussi et surtout une personne très intelligente», dit-il. Une histoire qui s’écrit dès 2005. Pauli, le père de la jeune skieuse, se rapproche de Jean-Pierre Egger, élu récemment meilleur entraîneur de l’histoire du sport suisse. Celui-ci décline la proposition et dirige Pauli vers Patrick Flaction, préparateur spécialisé dans le ski pour Ski Suisse et Ski Valais. Il est passé entre autres par le centre national du sport de Macolin. Il n’entraînait à l’époque que des adultes, se demandait ce qu’il allait bien pouvoir faire d’une gamine de 14 ans. Mais l’ado de Sorengo est déjà un phénomène. Il va développer sa vitesse et sa force. Avec les résultats que l’on connaît.
Patrick Flaction est né et a grandi loin du grand Cirque blanc. Au Sentier, à la vallée de Joux. Il a 7 ans lorsque la maîtresse d’école emmène ses élèves en forêt du Risoux. Un forestier leur propose une expérience avec du bois de résonance. «Il a gratté une extrémité du tronc et à l’autre bout, à cinq ou six mètres, on entendait le son en collant l’oreille. J’ai trouvé cela fascinant», raconte-t-il. C’est décidé: il sera bûcheron. Il entame un apprentissage dès qu’il en a l’âge, trois ans de formation en terrain combier.
Il est, enfant, très proche de son grand-père, à la fois bûcheron et horloger. Une habitude, à l’époque, pour gagner sa vie: le travail en forêt et des assemblages de montres à la maison. «Il était lent, appliqué et efficace. Avec lui, j’ai appris à utiliser mes mains. Le bûcheron possède l’efficience du mouvement comme le paysan qui coupe le foin à la faux. Le geste est beau, précis, optimisé. Je me suis inspiré de tout cela dans le sport et j’appelle cela la signature du mouvement», explique-t-il.
Il aime la forêt, sa vallée de Joux, et le ski qu’il pratique avec talent. S’initie à la préparation physique à Macolin auprès de Jean-Pierre Egger, «mon mentor et mon maître». Il décroche un bachelor, officie à des postes à responsabilités au sein de Swiss Ski et continue à se former dans les sciences du sport. Sa hantise et son obsession? Les blessures récurrentes chez les sportifs de haut niveau. Les skieurs, bien entendu, mais aussi notamment les footballeurs dont il dit qu’ils sont souvent mal préparés.
Patrick Flaction invente l’accéléromètre, qui permet une analyse quantitative et qualitative du mouvement. Outil miniaturisé maintes fois breveté qu’il développe au sein de Myotest, une entreprise qu’il a fondée en 2004 et cédée en 2017. «J’ai failli la vendre à Swatch, si l’opération avait été couronnée de succès, j’aurais bouclé la boucle en rendant une sorte d’hommage à mon grand-père horloger.»
Avec Grichting
Dans la foulée, il fonde Elitment à Sion et accueille l’élite du ski suisse. L’ancien footballeur professionnel Stéphane Grichting le rejoint en qualité de préparateur physique. L’approche: une phase de préparation générale pour travailler les fondamentaux puis un travail sur les aspects spécifiques liés au ski alpin. Une plateforme informatique permet la planification et le suivi en temps réel des athlètes.
Elitment va rejoindre cet automne Spark, le futur centre de compétences soutenu par le canton du Valais et la Confédération qui va réunir à Sion, sous le même toit, la performance sportive, la recherche, l’innovation et la transformation digitale. «Un plateau technique avec le soutien de l’EPFL, de la HES, des écoles d’ingénieurs, des clubs valaisans.» Patrick Flaction y a été mandaté comme chef de projet pour la réalisation d’un centre destiné au sport d’élite.
Profil
1966 Naissance au Sentier (VD).
1972 Décide de devenir bûcheron.
2004 Fonde la société Myotest SA.
2005 Préparateur physique de Lara Gut.
2016 Fonde Elitment.
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