Promeneurs et skieurs de fond, la délicate cohabitation
Grand air
Les trous laissés par les piétons sur les pistes de fond agacent les pratiquants, qui paient pour leur entretien. La problématique est d’autant plus forte cet hiver, marqué par de grandes quantités de neige et les fermetures liées à la pandémie

Un être humain à pied exerce sur la neige d’une piste de ski de fond une pression quatre fois supérieure à celle d’une dameuse. Le saviez-vous? Sans doute pas. A moins que vous ne pratiquiez vous-même la discipline de Dario Cologna.
Dans ce cas, vous n’ignorez rien des diverses dégradations que subissent les traces que vous utilisez au prix d’un abonnement journalier, hebdomadaire ou annuel. Trous, marques de pas, de raquettes ou encore déjections canines détériorent régulièrement le réseau en temps normal. Cet hiver, les fermetures imposées par la pandémie et la neige en abondance accentuent encore le phénomène. La cohabitation entre les différentes familles de promeneurs et de sportifs se révèle aussi problématique que celle entre les randonneurs et les adeptes de VTT sur les sentiers à la belle saison.
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Trop souvent, les adeptes des raquettes et les marcheurs utilisent les pistes de fond, observe Laurent Donzé, président de Romandie Ski de Fond (RSF). Cela les altère, occasionne des frais supplémentaires et gâche le plaisir des pratiquants dont la vignette, 140 francs l’an, contribue aux frais de préparation et d’entretien des pistes. Il suffit de lire les forums de RSF et ses nombreux coups de gueule pour s’en convaincre. Entre Evolène et Les Haudères (Valais), «pendant les Fêtes, à certaines heures, on pouvait compter plus de marcheurs que de skieurs sur la piste». A Froideville (Vaud), «attention dans la prairie, pas mal de trous dus aux piétons». A Saint-George (Vaud), «excellent travail de traçage, malheureusement saccagé comme chaque année par tous ceux qui se baladent sur les pistes de skating».
Du fair-play
Revenant périodiquement, la problématique est la même dans tous les centres nordiques, constate Laurent Donzé. Certaines personnes mal informées ou malintentionnées pensent qu’elles peuvent aller partout, et d’autres s’engouffrent sur leurs traces. Romandie Ski de Fond oppose un message simple: «Il y a de la place pour chacun aux sports d’hiver, mais il faut un peu de fair-play pour assurer une saine cohabitation.»
La solution passe également par une meilleure signalisation: elle n’est souvent pas à la hauteur de l’affluence hivernale, note le responsable. Le travail de balisage (turquoise pour le fond, rose pour les raquettes) n’a pas toujours été fait, peut-être en raison de l’augmentation des hivers sans neige, estime-t-il. Pourtant, RSF fournit du matériel uniforme aux centres nordiques. Mais il suffit qu’un panneau manque à un endroit stratégique pour tout perturber.
Il cite en exemple le cas de la Vue des Alpes (Neuchâtel), où la situation était problématique il y a quelques années. Le centre a pris la question à bras-le-corps: une piste pour piétons a été tracée, le balisage réalisé avec des couleurs différentes. Les Pléiades (Vaud) ont aussi récemment empoigné le problème et installé des barrières de corde sur trois kilomètres afin de séparer les disciplines, raconte-t-il.
A chaque site ses solutions. A Mauborget (Vaud), le vendeur de cartes journalières oriente les différents utilisateurs sur les pistes qui leur sont dédiées. Au Gibloux (Fribourg), itinéraires de raquettes et pistes de fond serpentent dans des zones différentes pour prévenir une cohabitation difficile. L’enjeu, pour Laurent Donzé, est d’éviter que les skieurs ne désertent les sites dont les pistes sont régulièrement dégradées, car il est souvent difficile de rattraper les dégâts.