Mercredi, Simona Halep a éliminé Angelique Kerber en quart de finale de Roland-Garros. Elle l’avait déjà battue fin janvier à Melbourne en demi-finale de l’Open d’Australie, dans ce qui demeure à ce jour le plus beau match de l’année, hommes et femmes confondus. Après sa victoire parisienne, Halep a pointé son index sur sa tempe droite, façon Stan Wawrinka.

Elle n’a pas refait le geste jeudi après sa demi-finale contre Garbiñe Muguruza (6-1 6-4) mais tout, dans son plan de jeu, son attitude, sa détermination, sa joie mesurée sur la balle de match, indique que la Roumaine vise quelque chose de plus beau, de plus grand. Alors que l’enjeu était double (la place en finale samedi et celle de numéro un mondiale lundi), elle a joué son meilleur match du tournoi, d’abord pleine d’autorité pour déborder 6-1 une Muguruza qui n’avait pas égaré le moindre set jusque-là, puis très juste tactiquement pour serrer le jeu, remonter un break de retard et faire basculer le match dans un neuvième jeu (à 4-4) marqué par sept égalités et trois balles de break en sa défaveur.

Simona Halep est «focus», comme disent les joueurs en globish dans les conférences de presse. Evidemment, elle affirme être détendue, sans pression, mais ce n’est pas tout à fait le langage corporel que diffuse son entourage, qui hier l’encourageait à grands coups de signes de croix orthodoxes.

«Il fait beau dehors»

Un peu de superstition ne peut pas faire de mal lorsqu’il s’agit de vaincre une malédiction. Samedi face à l’Américaine Sloane Stephens (vainqueur de sa compatriote Madison Keys 6-4 6-4), Simona Halep disputera sa quatrième finale de Grand Chelem. Elle a perdu les trois premières, ce qui la place davantage sur les traces d’un Ivan Lendl ou d’un Andy Murray (quatre premières finales perdues) que dans le lignage de Wawrinka, qui avait remporté ses trois premières. Au bout de la deuxième question sur le sujet, elle regarda par la fenêtre: «Ne peut-on pas parler d’autre chose? Il fait beau dehors…»

Mais les journalistes préfèrent éplucher les statistiques de ses trois finales perdues, histoire de voir si cette fille impulsive n’aurait pas un peu les nerfs qui lâchent dans les moments importants… La première finale, à Paris en 2014 face à Maria Sharapova, fut un monument de 3h02, à deux minutes du record de durée pour une finale féminine. Pas beaucoup de regrets à avoir; elle était jeune, Sharapova plus expérimentée. Tout le contraire de celle de 2017, un véritable cauchemar. Simona Halep mène 6-4 3-0 avant de voir Jelena Ostapenko, 20 ans, 47e mondiale, retourner le match en frappant sur tout ce qui bouge. C’est la première fois depuis 1933 qu’une non-tête de série remporte le tournoi féminin…

Le souvenir de Virginia Ruzici

A Melbourne, en janvier dernier, Halep affronte la Danoise Caroline Wozniacki, dans le même cas qu’elle (deux finales perdues). La finale est superbe (7-6 3-6 6-4, 2h49 de jeu), mais à la fin, c’est encore elle qui perd. «J’ai commencé ce tournoi avec une douleur à la cheville. Je me suis accrochée et cela m’a amenée jusqu’en finale. La quatrième fois sera la bonne, j’espère.»

La prochaine sera pour samedi. Roland-Garros n’est pas une terre maudite pour le tennis roumain. Ilie Nastase y remporta le simple en 1973, ainsi que le double en 1970 associé à Ion Tiriac. Il y a pile 40 ans, Virginia Ruzici gagnait le simple dames. Simona Halep aime ce tournoi et cette ville, où elle vient en vacances «pour se promener dans les parcs et visiter les musées».

Elle figure déjà au palmarès du tournoi juniors, remporté en 2008. Elle était alors une jeune fille timide, gênée par son mauvais anglais et sa forte poitrine. En 2010, elle se résolut à une chirurgie mammaire pour soulager son dos et privilégier son tennis à son petit copain. Serait-elle plus bankable aujourd’hui sans ce sacrifice? Malgré son rang de numéro un mondiale, elle reste toujours un peu un second rôle avec son physique de la girl next door. A Paris, les préoccupations du public tournaient davantage autour de Serena Williams, Maria Sharapova et Caroline Garcia. C’est à peu près la même chose dans les autres pays, seul change le nom de la joueuse locale.

Une robe achetée sur internet

A l’Open d’Australie, Halep disputa la finale sans sponsor, dans une tenue qu’elle s’était commandée sur internet. L’incongruité de cette situation avait mis Martina Navratilova hors d’elle. «Il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond dans ce sport, avait lancé l’ancienne championne dans une interview au Temps. C’est quoi, le problème? C’est parce qu’elle est Roumaine? Parce qu’elle n’est pas grande et blonde? Simona est une femme remarquable, avec une grande personnalité. Elle est très professionnelle sur et en dehors du court, les fans l’adorent. C’est vraiment le genre de femme que l’on veut comme modèle pour nos enfants. Je ne comprends pas qu’une entreprise ne se soit pas encore réveillée en disant: «C’est cette sportive et cette personne que nous sommes fiers de soutenir.»

Depuis, une entreprise s’est réveillée. Et si Simona Halep remporte samedi la finale de Roland-Garros, il n’y aura plus rien d’incongru au sommet du tennis féminin.