Ancien capitaine de l’équipe de Suisse de football, docteur en psychologie et psychothérapeute, Lucio Bizzini a cofondé l’Association suisse de psychothérapie cognitive. Chroniqueur régulier de la rubrique Sport du Temps, il souligne que les sportifs hésitent de moins en moins à parler des troubles de l’humeur.

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Que vous inspire le cas de Naomi Osaka, qui s’est retirée du tournoi de Roland-Garros et a déclaré avoir eu beaucoup de mal à se remettre de longues périodes de dépression?

Je ne sais pas s’il s’agit effectivement de dépression, mais en parler publiquement de la sorte demande beaucoup de courage de sa part.

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Son témoignage rejoint celui de plusieurs autres joueurs.

Ces derniers temps, j’avais plutôt le sentiment d’une prédominance de cas dans le football. En ce moment, la lumière est plus dirigée vers le tennis. D’une manière générale, la situation est particulièrement difficile à vivre pour tout le monde, et elle l’est aussi pour les sportifs. Je pense aussi que ceux-ci sont désormais bien informés et formés à ces questions, bien plus que ne l’était ma génération, par exemple. Ils connaissent les notions de failles psychologiques ou les conséquences du stress.

Le tennis est-il un sport plus prédisposé que d’autres?

Ce sont les personnes qui sont prédisposées ou non à la dépression, pas les sports. Le tennis comme le golf, mais aussi le ski alpin et, d’une manière générale, tous les sports individuels, sont des disciplines où l’anxiété, la crispation ont une conséquence directe sur la performance. Savoir gérer ce stress, cela fait partie du sport. La dépression, c’est quelque chose d’autre, de plus complexe, qui peut atteindre les sportifs mais qui n’a rien à voir avec le sport. C’est un trouble de l’humeur qui affecte 5 à 6% de la population dans sa forme sévère, 15 à 20% dans une forme plus mineure. Elle peut survenir dans n’importe quel sport, en fonction du contexte ou des prédispositions individuelles. Il peut y avoir des situations où tout va bien et où l’athlète se ressource, et d’autres moments où tout va mal. Et là, la personne voudra sortir des radars, ne plus voir personne. Comme l’a fait Naomi Osaka.

Les journalistes sont mal placés pour évaluer l’effet qu’ils peuvent produire sur celui qui est assis en face d’eux en salle de presse…

Il y a beaucoup plus de journalistes, de médias, de sites, que par le passé. La présence médiatique est beaucoup plus forte, avec plus de conséquences, et elle peut être intimidante. Mais il me semble que les sportifs sont désormais entourés par des spécialistes de tous les domaines, y compris de la communication, et qu’ils sont armés pour y faire face. Malgré cela, on observe encore parfois des gestions catastrophiques, comme avec Lara Gut en mars dernier lors des finales de la Coupe du monde.

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