Ce n’est pas encore la mi-janvier, on peut toujours se souhaiter la bonne année. Et surtout une bonne santé! A Melbourne, on ne parle que de ça. Comment vas-tu? Comment te sens-tu? As-tu mal quelque part? Les conférences de presse d’avant-tournoi ont des airs de consultations chez un médecin généraliste (qui serait un disciple d’Emile Coué). Il faut dire que le drame d’Andy Murray, que tout le players' lounge a vu et commenté sur les réseaux sociaux, a refroidi pas mal de monde.

En fait, tout le monde en parle d’une manière générale. Pas question de donner des détails sur son état de forme personnel, autrement que pour débiter des banalités. «Tout va bien.» Le circuit du tennis est un monde d’éclopés, mais les malades sont toujours les autres.

Le tennis féminin, qui a perdu son ex-numéro deux mondiale Agnieszka Radwanska à 29 ans cet hiver, donne le tour. Caroline Wozniacki, la tenante du titre, «va bien», malgré une polyarthrite rhumatoïde décelée l’automne dernier. Simona Halep, la numéro un mondiale, se sent «à 100%, en forme» mais précise que «avec le dos, on ne sait jamais». Elina Svitolina, l’une des outsiders pour la victoire finale, va «bien» elle aussi mais elle aussi met un mais: «J’ai toujours des douleurs ici et là. C’est normal pour un athlète d’avoir des blessures.» Notez le distinguo: avoir des blessures ne signifie pas forcément être blessé(e)…

«Si je ne me sens pas bien, je ne viens pas»

Chez les garçons, Stan Wawrinka «ressent les effets de l’âge» (il aura 34 ans en mars) mais s’estime à 100%, grâce à une blessure au dos en octobre dernier qui lui a permis de prendre de vraies vacances et d’accomplir une longue préparation physique. Alexandre Zverev est beaucoup plus jeune (21 ans) mais a une inflammation à la cheville et jouera avec un tape. «Je me sens bien. C’est juste un peu enflé.»

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Rafael Nadal, qui a entamé la saison 2019 par un forfait le 2 janvier à Brisbane (cuisse), qui a conclu la saison 2018 sur un forfait aux Masters (opération à la cheville), et dont l’oncle a raconté l’an dernier qu’il «est confronté aux douleurs et cohabite avec les analgésiques depuis 2005», va lui aussi aujourd’hui «bien». «Je me sens bien. Si je ne me sens pas bien, je ne viens pas.» Là encore, il faut lire jusqu’au bout: «Bien sûr, il y a toujours des tracas… Il faut accepter les challenges que le corps présente et que le tennis présente.» Autrement dit: faire avec les moyens du moment.

A 37 ans passés, sept de plus qu’Andy Murray, Roger Federer a des airs de miraculé. S’il est si rarement blessé, c’est peut-être «une question de chance», estime-t-il, citant une anecdote qui l’a visiblement pas mal fait réfléchir. «En 2016, pourquoi me suis-je blessé au genou dans mon bain [il subira la seule opération de sa carrière] et non pas deux jours plus tôt lors de mon match contre Novak [Djokovic]? Je n’en ai aucune idée. Parfois, c’est juste une question de chance ou de malchance. Par exemple, je n’ai jamais été blessé au moment de la préparation d’avant-saison, qui conditionne tout.»

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Dans sa «chance», Roger Federer inclut également son physique, idéal pour la pratique du tennis, et son style de jeu, relâché, léger, fluide, bien moins traumatisant que d’autres privilégiant la force et l’endurance. Il désigne aussi ce qu’il nomme «le point faible» de chaque joueur. «Chacun en a un: épaule, coude, dos, hanche…» Le sien serait plutôt le dos. «Une fois que le problème s’installe, il est souvent difficile de s’en défaire. Et certains sont plus durs à gérer que d’autres.»

Djokovic, favori de Federer

Federer, cela ne vous étonnera pas, se sent bien à l’aube de cet Open d’Australie dont il est le double tenant du titre. Lui aussi a ses bobos, mais il a appris à les dompter. «Je pense que je comprends très bien mon corps. Je sais quand j’ai mal mais que je peux jouer, je sais aussi quand j’ai mal, que je ne devrais pas jouer mais que je peux quand même le faire, peut-être une semaine, un mois.»

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A la veille d’affronter l’Ouzbek Denis Istomin lundi au premier tour (en night session à Melbourne, pas avant 11h du matin en Suisse), Roger Federer craint davantage le jour «sans», l’absence, la méforme. Cette grande inconnue qui peut surgir n’importe quand, indépendamment de votre degré de préparation. «Je sais que je suis au point sur le plan mental, technique et physique. Cela représente 80% de la performance. Il reste toujours un 20% qu’on ne peut pas maîtriser. Il faudra que j’aie le «winning spirit». Dans le tennis actuel, les marges sont très faibles et Istomin est un bon joueur. Je n’oublie pas qu’il a éliminé Djokovic ici il y a deux ans. Je suis très conscient de cela.»

Le Serbe était à l’époque en pleine décompression. Il retrouva son niveau en 2018 après une opération au coude, avec deux victoires à Wimbledon et à l’US Open. «Sur ce qu’il a montré ces six derniers mois, Novak est le favori, estime Roger Federer. Je ne le dis pas pour inverser la pression; ce n’est pas un jeu, c’est juste la réalité.» Inutile de dire que Djokovic, lui aussi, va bien.